Pour achever cette série sur la contribution de Lou, quelques références à des temps forts dans les deux derniers spectacles…
« Le sens supplémentaire apporté par la danse pousse très loin la lecture de la pièce. Comme Eric l’a rappelé avant-hier à la fin de
l’article, cette fusion était déjà entière dans la mise en scène de la pièce le Tennessee Club : tout au long de cette pièce, il était intéressant d’assister
notamment à l’évolution de trois personnages (« étrangers » au saloon de Tom Desire, « le Tennessee club ») mais dont le destin se nouait dans ses murs : il
s’agissait de Blanche (la fille), de Sexy Sissy (la mère) et de Miranda (la tante de Blanche et la sœur de Sissy). Tout d’abord sous le joug de ces deux danseuses qui n’ont plus de succès mais
qui vivent dans une illusion passéiste du succès, Blanche prend son essor et à la fin s’affranchit (notamment grâce à Charlie, personnage corrompu !) de cette parenté encombrante et
étouffante. La variation de jazz qui referme la pièce montrait justement le décalage entre l’adolescente et les deux parentes, leur volonté de « programmer » la jeune fille (décalage
marqué dans un décalage dansé, comme une sorte de « canon » en mouvement !) et son émancipation finale.
Le thème de cette année m’a lui aussi inspiré, tout comme me sont précieuses les indications scéniques d’Eric ! Aussi, parfois, je divague,
je propose des variations tout à fait loufoques qui n’existeront jamais, mais très souvent la première réflexion est la bonne… c’est le cas de « Fuck them
all » : j’ai tout de suite associé les sorcières obscènes et dévergondées au texte de la chanson, et puis il y a la mélodie qui donne envie de s’exprimer ! Enfin, lors
de l’écriture de la variation, je repense à la façon dont les trois sorcières jouent, au passage même où la danse intervient (c'est-à-dire quand Georges invoque les esprits maléfiques) : il
a tout d’abord peur des sorcières, puis il passe un pacte avec elles et se sent « puissant ». A cet instant, Lou lui dit, en se frottant à lui : « Tout comme la femme a
besoin de l’homme pour copuler, la sorcière a besoin de l’homme pour briller » (phrase qui joue d’ailleurs sur le double sens puisque c’est Lou qui finalement remporte « le gros
lot » et part avec Ronald !). Ainsi, cette variation se composera de mouvements suggestifs et se terminera autour de Georges ! Et puis, tout comme les trois sorcières forment un
trio invraisemblable tout au long de la pièce, elles se donnent en quelque sorte la « réplique » lors de leurs deux interventions dansées : il y a à chaque fois une sorte de
« rotation infernale », figure du tourbillon tragique (Lou le dit d’ailleurs fort bien quand elle évoque le chaos au début : « les tourbillons sont affamés, le gouffre
noir exhibe son nombril ») : sur scène, tout se passe comme si elles étaient sur une zone tournoyante, sur laquelle évolueraient les trois danseuses, et qui les mettrait en valeur
chacune à leur tour… pour donner cet effet (puisque la scène restera fixe), elles évolueront en formant un triangle dans lequel chacune son tour elles danseront… »
Pour conclure, cédons la place à cette invocation du tourbillon qui laisse la tragédie s’engouffrer sur la scène (nous sommes à l’acte 1 et les sorcières veulent du
grabuge !)
« Lou : (Elle sent manifestement quelque chose et cela se traduit par un geste solennel et grandiloquent) Levez-vous, tempêtes sur la mer ! L’heure de la
tragédie est annoncée !
(Elles se mettent à courir dans tous les sens, interpellant des personnages imaginaires)
Diana : Ouragans sur la lande ! La bruyère agite sa chevelure fauve et la terre se lève sur la mer comme un vaisseau démâté !
Suzy : L’océan hurle sa démence et la falaise et les récifs ont l’œil vers le large ! Ils harponnent les navires, déchiquettent les naufragés !
Lou : Les tourbillons sont affamés. Le gouffre noir exhibe son nombril !
Diana : Les tentacules remontent du fond des abysses et des monstres énormes bavent dans l’écume !
Suzy : Les vieux massifs d’Ecosse se soulèvent et crachent des jets de vapeur pestilentielle. Les créatures affolées errent de tous côtés. »