Gilda a rendez-vous avec Salvatore, et Gilda l’a rendue jalouse quand elle a parlé des deux garçons qu’elle a rencontrés en ville. Elle est à point pour tomber dans les bras de
Salvatore. Mais celui-ci vient sur le ponton avec
d’autres intentions. Il reste avant tout un
manipulateur (curieux écho avec le personnage que jouait le même
Ronan l’an dernier !).
La première réaction de Tiziana, c’est de râler ! Elle a recours à ce masque pour cacher son
trouble. Mais la scène de bouderie ne dure pas et Salvatore s’amuse assez vite au jeu de la séduction, juste pour voir, juste pour essayer « la scène de Roméo et
Juliette » dont il parlait à Gigi un peu plus tôt. Tiziana la malheureuse, ne tarde pas à tomber dans le panneau et c’est un moment cruel.
« Salvatore : (il soupire) Ornella ne viendra
pas, dommage ! Je l’aime bien, Ornella… (Il assure son espace. Tiziana est piquée au vif) On est bien là-dessus, tu ne trouves pas ? On a l’impression d’être sur une scène de
théâtre, sur le balcon de Roméo et Juliette… (A part, il se souvient de ce qu’il a dit à Gigi) « Tu imagines ce que tu veux ! Tu fais ton cinéma !... Et si, par hasard, il
y a une fille sur le ponton, tu en fais ta partenaire, c’est encore mieux !... Tu la fais entrer dans ton jeu. Tu lui donnes la réplique ! »… (Il prend un air inspiré et
s’approche un peu plus de Tiziana) N’importe ! Toi, tu es venue jusque là… Alors, regarde vers le large, Tiziana ! Respire enfin ! Est-ce que tu sens, comme moi, ta
poitrine qui se gonfle et tes yeux qui se dilatent… (Il lui ébouriffe les cheveux) Comme ça, ça te va mieux ! Ça te donne un air sauvage à tout faire craquer ! Embarquons-nous,
Tiziana ! Tes cheveux se soulèvent, ta bouche est humide… »
Je demande à Ronan d’accompagner cette tirade d’une gestuelle qui mette en valeur
« le marionettiste »… Et Tiziana est toute
rouge de honte. Son corps se découvre…
Un giro colla cinquecento !
Rubrique Goncourt :
Lecture des Bienveillantes (4/7)
Autre aspect terrible du roman, c’est cette peinture impitoyable de la nature humaine, plongée
dans les conditions de bassesse et de barbarie. Dégradation des corps, horreur des blessures, de la vermine, des bas instincts, pulsions sadiques, excrétions, sexe, chair purulente, spermes,
caecum, fesses, verges… Cauchemars… La vie est arrivée à ce point d’horreur que la narration finit par confondre les deux niveaux de la réalité et du rêve… Une figure émerge de
cette confusion, le souvenir auréolé de la sœur aimée (p374, exemple de réminiscence visuelle) Le personnage reste attachant par ces élans vers un idéal. Il y a aussi
constamment, cet instinct d’humanité qui le distingue des autres : par exemple quand il s’inquiète du sort d’Ivan (fidèle serviteur d’origine bolchévik) qui, aux yeux des
autres, n’est qu’un étranger qui doit mourir…
Pour se tirer de cet enfer de Stalingrad dans lequel ils semblent tous perdus, un miracle présenté d’abord comme
un rêve : en fait, c’est son sauvetage qui le ramène blessé à Berlin et qui fait de lui un héros du Reich. La blessure consiste en un trou de part et
d’autre de la tempe, et cela lui confère une sorte de troisième œil, une acuité cynique qui lui enlève la propension au bonheur facile (image hugolienne qu’il faudra utiliser
pour l’étude des Contemplations : p410).
Réaction de collègue :
C’est une super idée. Hier nous avons rencontré au théâtre de la Criée à Marseille Michel Schneider. Des
propos clairs et très instructifs sur sa relation à celle qu’il a appelée « ma Marylin ». en fait il a été pris par cette rencontre folle entre Greenson et sa patiente. Sa
recomposition s’appuie donc sur des faits réels mais va vers l’invention, vers ce qu’il sent de la vie de ces deux-là.
Du coup, toute la dimension du romanesque qui envahit le champ du biographique aujourd’hui est encore là.
Dans la proposition d’écriture que tu fais, il pourrait y avoir cette optique, de mêler le vrai, le faux, sans dire ce qui appartient et ce qui est inventé. Ça laisserait aussi du champ aux
élèves.
Camille Laurens qui était là aussi est allée dans ce sens…c’est moi mais ce n’est pas moi
etc…
Un autre aspect intéressant du roman de Schneider c’est qu’il n’est pas chronologique, là aussi il y a
des pistes d’écriture il me semble.