Avant le départ en vacances de Noël, je mets en ligne un dernier article (je n’ai toujours pas retrouvé la ligne internet !) J’ai évoqué les
réactions de lecteurs et propose de rester dans ce domaine car il touche quelque chose d’important : le pouvoir d’un livre… D’abord ce beau témoignage de ma sœur
Béatrice qui se trouve en commentaire à l’article « dédicace » et qui m’a bouleversé.
« Ecriture miroir de l’âme, étrange circonvolution des mots et des maux de l’écrivain ; ainsi ressentis-je les pages du Ponton…
un devant de scène dupant, faisant croire aux chauds rayons du soleil sicilien, à la douceur des granites et à la beauté caramel des filles de là-bas… Mais tout n’est pas
si simple…
Certes « l’été sicilien, clair, ardent et lumineux » commence, avec ses parfums d’agrumes et d’olivier, mais cet été est coincé
(page 7) entre le trou noir du néant (« plus d’étoiles la nuit, plus de lune … une étendue grise… un voyage sur un autre globe…) et une tentative de guérison incertaine (« le pouls de
l’Etna » et une côte en « fusion » indicateurs typique de maladie !
Même le premier tableau de rue nous promet un « activité fébrile » qui se termine à bien y regarder en assemblée immobile et
aux portes des cimetières : « croix », « reliques » « châles noirs », « bas gris », « main tremblante », où le « paisible » de la
« marche» est inquiétant compte tenu de la main tremblante qui la précède…
Mon dieu ! Francesca ! Fausse vivante, fausse conteuse, qui traîne derrière elle toutes les traces du chagrin et de la
mort : (page 12) : « se figea », « lèvres rouges…et pendantes », « regard fixe », « le corps raide » ; puis ses yeux tournent dans
les orbites, on ne voit que le blanc (page 13), qu’est-ce cela sinon l’agonie et la souffrance du départ… Tout cela est acté et joué page 20, lorsque malgré le spectacle devant théoriquement
porter joie et amusement à Santo Stefano, « un profond silence plane », que Francesca se « tait définitivement », dans une « torpeur stupide » et que Carolina
lui ferme les paupières, geste mortuaire par excellence, quand même les applaudissements du public, conscient du drame, se font « discrets ».
Page 47, le duo se reforme sur le ponton, avec pour compagnon des abysses inquiétants comme l’Hades (« du fond des eaux, une créature
gluante et innommable », il y est question « d’offrandes » et de « paradis qui n’existe pas », tandis que page 48 : « sous les barreaux visqueux, les algues ont
poussé et dessinent des silhouettes vagues et lascives qui remontent des profondeurs ».
Page 68, ce même ponton est comme un lieu de passage entre deux mondes, abysses encore et toujours inquiétantes : « les algues
vertes montaient toujours le long de l’échelle, éclairaient l’eau d’une teinte un peu fade et trouble », tellement trouble que « il a eu peur de sauter à l’eau … à moins qu’il n’ait
déjà plongé lui aussi » ; quel trouble double sens…
Cette eau qui déforme les choses, les rend différentes (page 63) : « dans l’eau, ses pieds et ses chevilles s’étaient légèrement
déformées et les jambes de Tiziana avaient enfilé une sorte de bas trouble et translucide. Le Ponton offrait un espace de réverbération et une logique de transparence… ». Limite
entre 2 mondes ???
Vision d’un Passage, d’un douloureux passage, fable d’un monde fragile, inconscient et pourtant toujours au bord d’un Abysse
effrayant, le Ponton reflète pour moi toutes les angoisses de l’Homme face au monde inconnu de la Mort, laissant un goût amer, au bord de la répulsion face à ces réalités
pourtant insondables.
Autre lecture
Toute autre interprêtation est tout aussi recevable, témoin celle que j’ai reçue par courrier : en voici un extrait : « Le Ponton
m’a fait penser aux vacances et au sud… Tu exprimes bien les situations et donnes envie d’être à nouveau jeune… J’ai connu cette situation à la
piscine avec mes copains et mes copines de l’époque… »
Intéressant point de vue qui renvoie à la valeur métaphorique du ponton ; ce que j’ai en effet voulu faire, c’est de fournir, à travers cette base, un
support à des souvenirs personnels et à une intimité particulière : ici, c’est la piscine qui rejaillit dans la mémoire, la piscine et tout cette parade aquatique qui
l’accompagne.
Vous avez sans doute des souvenirs de parade aquatique ? Vous êtes sur le ponton !
Vous me direz, ce n’est pas une activité de saison ! Faisons du ponton par exemple un téléphérique ! Bonnes fêtes de Noël et rendez-vous le 3
janvier si tout va bien !
PS : une dernière info littéraire ! Pour ceux qui ont suivi l’aventure Goncourt, j’ai parlé d’un site convivial afin de
continuer d’échanger entre élèves et professeurs sur la littérature : j’avais d’abord annoncé un site « le Télégramme » mais c’est finalement un site skyblog qui a eu la préférence
de mes élèves : en voici l’adresse : http://parlons-litte.skyblog.com
Bienvenue à tous !