« Quand le ciel bas et lourd » ou le syndrome cocotte-minute (1/2)
Présentation
Spleen : « bile noire », marque mélancolique. Dernier mouvement de la première section des « Fleurs du Mal » des 4 poèmes intitulés « Spleen ». Sorte de voie sans issue, de démission tragique d’une âme déçue, hantée par le malaise des souvenirs confus, par l’idée de la mort, par les angoisses qui libèrent des figures obsédantes et cauchemardesques. Cinq quatrains en alexandrins qui « racontent » la bataille interne à laquelle est livré l’esprit du poète.
La peinture d’une bataille perdue d’avance
- Un temps qui marque une fatalité. Structure syntaxique qui enferme au début de chacun des 3 premiers quatrains : subordonnée de temps : « Quand... », renforcée par une reprise « Et que... ». Impression de surenchère : répétition du « et »... Effet d’obsession qui refoule la proposition principale attendue aux deux derniers quatrains.
- Des conditions climatiques propices à la « mélancolie » (ce que les Romantiques appelaient « le mal du siècle »). La pluie est présentée comme la cause initiale de cette déroute : « ciel bas et lourd », « pluie étalant ses immenses traînées ».
- Une dramatisation de l’impression de pesanteur : la pluie est perçue à travers un réseau très dense d’images qui renvoient à l’idée d’enfermement et de claustration : elle fait la liaison entre le ciel et la terre qu’elle unit dans un même mouvement de morosité matérialisée par les mots « couvercle » et « cachot » et par la transformation du « jour » en liquide empoisonné (du spleen à l’état brut !) : « il nous verse un jour noir plus triste que les nuits » (matérialité accentuée encore par l’oxymore : « jour noir »). L’impression d’enfermement est aussi réalisée à travers la métaphore de la prison, préparée par « les immenses trainées » qui sont une caricature de la pluie.