« Des mots d’ailleurs »
Pathé Marconi... « Pâté en croute… C’est nul ! » Tu plaisantes avec ta passagère ! Le bruit de moulin à café du moteur de la deux chevaux Citroën vous emmènent, le cœur léger, sur les petites routes sinueuses. Tu viens d’avoir ton permis, et tu écoutes « des mots d’ailleurs ».
Départ pour un pique-nique de début d’été. Sous le soleil mexicain, le fond bleu clair de la cassette dont il faut prendre soin. Ne pas la laisser hors de son boitier, le plastique peut fondre, la bande se dévider ! Vous êtes plusieurs, un vrai convoi, partis de la ville pour chercher l’ombre des arbres et le bord du grand fleuve. Vos copines portent des ponchos, se font des tresses dans les cheveux, fument le narguilé et écoutent avec toi, si par chance tu en amènes une dans ta voiture, des chansons comme « Zucayan » et « Sertao » !
« Des mots d’ailleurs »… Sous le soleil du matin sur le capot luisant, tu es prêt à les inviter toutes même en terre amérindienne, « parmi les Indiens bleus », et les « chevaux des cangaceiros », « une terre où vivaient les Nahuas, et des tours qui jaillissaient des eaux, la lagune de Mexico »
Ta compagne du jour se recoiffe dans le petit rétroviseur. Sous le grand chapeau de cangaceiros, et la vibration de tôle froissée du moulin du capot avant que ta sœur a bigarré à coups de poivrons rouges et verts, vous rêvez des mots d’ailleurs. Un monde sans voiture et sans énergie nucléaire, un corridor escarpé où les engins polluants se métamorphoseraient en moutons ailés d’Eldorado… « Un empire, à l’abri de la loi, le bonheur blotti tout près de toi, une terre où passent des pumas ».
Le plus souvent au retour, tu es seul dans la deux chevaux poussive, et tu écoutes « des mots d’ailleurs ». Et tu refais le monde : « Ce sont bien sûr des mots d’ailleurs pour étourdir un peu ton cœur, des mots d’ailleurs ». Le soleil descend derrière les collines, les rires se sont tus. Il faut se rhabiller, reprendre les longues routes droites, rentrer dans la cité. Klaxons, feux rouges et sens interdits. Dans la lunette arrière, la campagne s’évanouit, « entourée de soleil et de joie, des oiseaux qui ne meurent pas… Dans le ciel quatre ou cinq soleils, des étoiles et tout l’arc en ciel… »
Plus rien que la chanson dans le mauvais lecteur à cassettes… Même plus la voix dans l’habitacle ni, dans le rétroviseur, le parfum exotique de ses cheveux. Cette fois, elle est partie à moto avec ton meilleur copain : « le bonheur blotti tout contre toi, des enfants qui rient et te tutoient… Ce sont bien sûr des mots d’ailleurs, pour étourdir un peu ton cœur, des mots d’ailleurs »