La Plaisanterie de Milan Kundera : dosette de lecture n°77 Le goût de la bonne blague
Faut-il adhérer pleinement aux idéaux, s’y livrer de manière « indivisible » et risquer de sombrer dans « l’illusion lyrique » ? La jeune héroïne Markéta semble se complaire à l’idéal politique au point qu’elle décide de consacrer son temps de vacances à un stage organisé par le Parti dans un château de Bohême.
Pour le moins frustré, son compagnon Ludwik décide de lui adresser sur carte postale une petite « plaisanterie », juste histoire de déranger un tout petit peu ses ardentes convictions. Comme l’auteur lui-même, il a fait ça pour « foncer dans les décors » et bousculer les acteurs qui tiennent le crachoir. Et tant pis s’il dérange ou s’il choque ceux qui ne plaisantent avec la raison du Parti.
La force rabelaisienne de Kundera dans ce roman, c’est de montrer le ridicule de ceux qui défilent et qui, dans leur euphorie, sont prêts à punir, à châtier, voire à mourir pour des idées qu’ils défigurent : « les Saint Jean bouche d’or, qui prêchent le martyre le plus souvent d’ailleurs s’attardent ici-bas » dirait Brassens, autre héritier du maître du rire… Car le mensonge et la mauvaise foi masquent souvent les failles, et ces maitres de cérémonie les brandissent comme des bannières. Comme l’écrit Alain Finkielkraut dans son essai le Sage ne rit qu’en tremblant: « La Plaisanterie se situe précisément à l’entrecroisement entre l’effort multiple des hommes pour donner une forme narrativement satisfaisante à leur existence et les vicissitudes existentielles qui résultent d’une telle aspiration. »
On le voit, ce roman ne se lit pas seulement comme une fable écrite par un écrivain dissident...