Dosette de lecture n°120 : Franck Pavloff : « Matin brun ». Le beau pelage des chats et des chiens à la clarté du matin
Je propose aujourd’hui, avant la pause estivale, une dernière « dosette ».
J’ai abordé également depuis environ deux mois la phase d’accélération de l’écriture de mon prochain roman consacré au livre et comme c’est à chaque fois le cas, lorsque je tiens mon sujet et mon canevas, j’ai du mal à faire autre chose qu’écrire et ceci notamment au détriment de la lecture.
Mais pour le livre que j’ai choisi d’aborder aujourd’hui, il ne compte qu’une vingtaine de pages, et ce sont des pages essentielles en ces temps si particuliers.
Quel est le meilleur éclairage pour définir la couleur du pelage d’un chat ou d’un chien, la coloration d’un article de journal, ou encore la tonalité d’une radio ? Le brun fournit-il la nuance la plus juste pour apprécier la fantaisie fantasque du félidé ou la bouleversante fidélité du bon toutou ? Sous le projecteur dont la chaleur noircit le papier, le texte de l’article ne finit-il pas par s’enfumer et ne plus refléter que des idées toxiques ? Et le son – riche en fibres - qui tombe des ondes prend-il donc la couleur de ce pain aux vertus laxatives ?
Ce sont quelques-unes des questions que pose en d’autres termes l’auteur de cette petite fable. Le narrateur et son ami Charlie qui ont possédé, avant les décrets, un chat blanc taché de noir (bref un chat métis) et un labrador noir sont dans le viseur de la milice de « l’État national » et des délateurs de tout poil.
Entrainés dans une logique absurde, les citoyens de cette ville de lune rousse qui avalent la couleuvre de réglisse indigeste n’ont qu’à bien se tenir et obéir aux injonctions : marcher au pas, décolorer tout ce qui risque de déteindre, éteindre la braise du langage, dénoncer les différences et les montrer du doigt avant de se laisser contaminer par cette « rhinocérite » si bien décrite par Ionesco, par Camus qui écrit à la fin de son roman, « La Peste » : « le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais » ou par Brecht qui note dans sa pièce « La Résistible ascension d’Arturio Ui » : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde. »