Dosette de lecture n°133 : Barjavel, « Ravage », la clé Deschamps
Et si le monde de 2052 ressemblait au nôtre à s’y méprendre ? Le romancier Barjavel est un de ces auteurs de science-fiction foncièrement pessimistes sur le sujet de la nature humaine. Lorsque son roman commence, le bien nommé François Deschamps (François le Champi aurait écrit George Sand !) vient de quitter sa Provence natale où il cultivait encore la terre et il arrive dans la capitale qui déroule sous ses yeux un tapis d’artifices.
Très vite, le lecteur qui adopte le point de vue du jeune rustique et aussi celui de Barjavel (qui par maints aspects rappelle Giono) observe les comportements des Parisiens, dépourvus d’humanité et d’énergie physique. La nourriture qu’ils avalent est devenue entièrement chimique ; les automates remplacent la main d’œuvre, la nature a disparu et les sentiments eux-mêmes sont pollués par l’affairisme et la fébrilité. Quelle part de potentielle réussite reste-t-il à François, ce malheureux « paysan du Danube » qui est amoureux d’une jeune femme trop séduisante et qui prétend obtenir un diplôme important par le seul mérite de son intelligence et de sa persévérance au travail ?
Dans ce contexte inquiétant, la géopolitique joue aussi un rôle important qui en dit long sur la pensée de Barjavel en matière de Progrès. Lorsque, le soir venu, François allume l’écran télé, il tombe sur la tragique annonce que fait un belliqueux empereur couvert d’or et de diamants : pour punir le bloc occidental, il a ordonné d’envoyer une flopée de missiles ; et, bien évidemment, les nations agressées s’empressent de répliquer …
Face à cette déroute de la science et de l’humanité, comment assurer l’avenir et le bonheur des générations à venir ? En 1952, René Barjavel posait déjà la question.