Dans l’atelier d’un livre, épisode 10 : un bateau livre, planche de salut dans la tempête ?
Comme je l’ai indiqué la semaine dernière, le choix d’une seule œuvre n’était pas facile, mais j’ai joué le jeu et le titre de l’épisode pourrait vous induire en erreur et vous laisser croire que j’ai choisi Rimbaud ! Facile pour ceux qui me connaissent et qui ont lu « Over the Rimbaud ».
D’autres auraient parié sur un roman de Hugo du type « l’Homme qui rit » ou « Les Travailleurs de la mer ». Ou encore sur "1984" de Georges Orwell (qui joue son rôle dans "Lire et pâlir à sa vue") Ce ne seront ni les uns ni les autres.
Parmi les ouvrages auxquels je fais référence dans mon roman, certes, ils trouvent leur place, mais « Martin Eden » de Jack London tient une place importante dans la construction de l’intrigue. Il me faut maintenant justifier ici pourquoi j’ai choisi ce titre plutôt qu’un autre. J’en rappelle rapidement le contenu pour celles et ceux qui ne connaitraient pas le roman et qui auraient envie de le découvrir.
Un jeune marin inculte tombe amoureux de Ruth, une jeune fille de la haute bourgeoisie dont il a sauvé le frère. Elle n’appartient pas au même monde que lui, et pour la séduire, il se lance à la conquête du savoir, des livres et des auteurs et se met à écrire tout en continuant à s’échiner à survivre car la vie ne l’épargne pas.
La trajectoire du héros est stupéfiante et rappelle étrangement celle de l'auteur. La force de sa volonté l’amène à progresser à pas de géants dans les milieux intellectuels. Il découvre la richesse des livres mais en même temps, il préserve sa nature simple et innocente, ce qui lui donne une force, une fraicheur et une lucidité particulières qui apportent beaucoup au lecteur. Chemin faisant, à la façon d’un Bel-Ami plus noble et authentique que le héros de Maupassant, il traverse tous les milieux, celui des pêcheurs d’huitres de la baie de San Francisco, celui du « Peuple d’en bas » où habitent sa sœur et son beau-frère chez qui il loge, celui de la haute bourgeoisie à laquelle appartient Ruth, celui de l’université où la médiocrité côtoie la fausse élégance et l’arrivisme… Il sillonne les rues, les routes, les mers, fréquente la pensée des auteurs, économistes, philosophes, poètes, romanciers, s’interroge sur leurs idées, les confronte à la réalité.
Et cette soif de savoir l’emmène toujours plus loin dans la voie de la sacralité de l’écriture. Dès les premiers récits qu’il envoie aux journaux dans l'espoir d'une publication, il entrevoit ce que la quête de la beauté et de la vérité peut apporter de plus aux histoires qu’il raconte. Il constate la corruption des éditeurs et déplore la médiocrité de leurs choix. "Martin Eden", c’est la quête insatiable de l’Art à laquelle un travailleur infatigable des mots et de la syntaxe peut aspirer à condition de s’y vouer corps et âme, au mépris des modes et des combines.
La semaine prochaine, je reviens sur vos choix à vous et, pour les indécis, il est encore temps de me les envoyer.