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Dosette de lecture n°141 : Ray Bradbury : « Les Chroniques martiennes ». Des forages et du fric en abondance dans le sol martien

Publié le par Eric Bertrand

        Au lendemain de l’élection de Trump flanqué de son cynique commandant de bord des fusées SpaceX, ces chroniques écrites par Bradbury en 1950 et publiées en France en 1954 chez Denoël ne reprennent-elles pas une sinistre actualité ?
        À travers l’évocation de la lente colonisation de la planète Mars, le lecteur découvrait comment les pionniers venus de la Terre imposaient peu à peu leurs normes aux Martiens désignés comme des indigènes incultes et sauvages qui n’avaient pas su valoriser leurs terres. Mais, en parallèle, Bradbury donnait à voir entre les lignes un peuple noble, raffiné et subtil et une civilisation à peine perceptible aux grossiers envahisseurs prêts à en découdre au moindre frisson. À un premier niveau, son livre était à lire comme une méditation sur la conquête de l’ouest et sur l’assujettissement du peuple indien.
        Mais en 2025, comment peut-on le relire ? Mars n’est plus la lointaine sœur jumelle peuplée de petits hommes verts malfaisants. Pressés de quitter une Terre en piteux état et menacée de l’explosion atomique, des équipages hétéroclites débarquent progressivement sur la planète rouge entre janvier 1999 et octobre 2026. Ils ne voient rien, ni les fragiles et élaborées habitations des Martiens (nettoyées « avec des poignées de poudre magnétique »), ni « les amphithéâtres de marbre », ni les « canaux de vin vert où se croisent des embarcations délicates comme des fleurs de bronze ».
        Ils se précipitent vers ce nouveau Groenland et sont, pour la plupart, animés des mêmes défauts que les hommes d’aujourd’hui : ils veulent surtout faire du fric, rouler en Tesla, forer le sol, éliminer les derniers étrangers, jouer du colt et de la carabine et tout écraser pour tout recommencer. Témoin par exemple ce Sam Parkhill de la chronique « La Morte saison » qui a eu l’idée d’installer en plein désert un comptoir de hot-dogs : sous les deux lunes de Mars, en serrant son épouse Elma contre lui, il se frotte les mains et s’apprête déjà à accueillir les expéditions à venir, d’autant qu’un Martien bien avisé vient de lui céder « un droit de propriété allant des montagnes d’argent aux collines bleues ». Et, comme pour fêter cette bonne fortune, dans le fond du ciel étoilé, la Terre offre soudain au couple énamouré un effrayant feu d’artifice…

 

Dosette de lecture n°141 : Ray Bradbury : « Les Chroniques martiennes ». Des forages et du fric en abondance dans le sol martien
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