Dans l’atelier d’un livre, épisode 12 : confidences de lecture (1/3)
Tout au long de ces épisodes, parfois par petites touches, parfois en de plus longs paragraphes, certains lecteurs m’ont livré leurs ressentis face à la lecture et j’y ai déjà fait référence. Mais dans les trois épisodes à venir (celui-ci et les deux prochains), je propose d’aller plus loin dans l’examen de ces indications afin d’interroger plus profondément l’acte de lecture.
« Quand on ouvre un livre, c’est comme quand on ouvre une fenêtre sur l’imaginaire, on peut être un pirate, un espion, un prince, un lion… » De cette analyse de lectrice dénichée récemment dans un bulletin municipal, je retiens à la fois l’idée de guet et l’idée d’appétit : devant un bel ouvrage de « haute graisse » comme disait le bon Rabelais, le lecteur salive à l’avance. Il sait qu’il va se délecter (« je me régale toujours en relisant un bon Zola ou un bon Maupassant » me confiait souvent ma mère lorsque j’étais ado, cherchant ainsi à réveiller mon goût pour cette littérature qu’elle qualifiait de « vigoureuse ») ; et puisque ma question de la semaine dernière réveillait la métaphore de l’île, j’oserais la filer jusqu’à dire que, face à un livre « en chair et en os », le lecteur n’hésite pas à aiguiser les couteaux et à se faire cannibale afin de mieux assimiler la meilleure part que va lui apporter la viande qu’il mâche. Pour reprendre autrement une pensée chère à Nietzsche, lire, c’est d’abord ruminer ; et puis, à terme, c’est enrichir sa pensée pour être comme l’abeille qui butine et concocte son miel. Pensons aussi à Montaigne qui recommande la compagnie des ouvrages de haut pollen : « Les abeilles pillotent de ça de là les fleurs, mais elles en font le miel qui est tout leur. »
À moins aussi que ne se cache plus subtilement dans la lecture ce que Pascal Quignard appelle « une attente qui ne cherche pas à aboutir. Une errance. »
Entre ce guet et cette errance, vous avez formulé des réponses que je vais prendre le temps d’éplucher dans les deux épisodes à venir, tout en respectant bien évidemment l’anonymat de leurs auteurs et autrices, hommes et femmes de tous âges et de toutes nationalités.