Dosette de lecture n°147 : M. Houellebecq : « La Possibilité d’une île » par le gué du récit.
Quel regard nos lointains descendants vont-ils poser sur notre dérisoire humanité ? L’auteur des « Particules élémentaires » affectionne tout particulièrement ce type de narration qui lui permet d’examiner avec la loupe de l’entomologiste l’animalité des hommes, leurs insuffisances et leur quête désespérée du bonheur et de l’amour.
Dans un temps éloigné du nôtre, après plusieurs cycles temporels, après la « Rectification Génétique Standard », des « néo humain », Daniel 23, puis Daniel 24, puis Daniel 25 « par duplication rigoureuse du code génétique et méditation sur le récit de vie du prédécesseur » commentent le récit de Daniel 1 (« lointain prédécesseur, infortuné comique »), humoriste à succès, capable de rire et de pleurer (facultés qu’ils ne parviennent d’ailleurs pas bien à comprendre.)
Daniel 1 est un homme mûr surtout obsédé par les jeunes filles et par les désirs qu’elles provoquent en lui au fil des années et du temps qui fait peu à peu baisser ses performances : « Pendant toute ma vie je ne m'étais intéressé qu'à ma bite ou à rien, maintenant ma bite était morte et j'étais en train de la suivre dans son funeste déclin, je n'avais que ce que je méritais. » Et de leur côté, les Daniel du futur cherchent à travers ce récit de vie à comprendre comment l’être humain, le « sauvage » dont il reste quelques exemplaires dégénérés, a toujours essayé d’échapper au syndrome de vieillissement qui empêche le corps de jouir : « La jeunesse était le temps du bonheur, sa saison unique… Plus tard ils connaitraient les tracas, le labeur, les responsabilités, les difficultés de l’existence… sans cesser d’assister, impuissants et honteux, à la dégradation irrémédiable, lente d’abord puis de plus en plus rapide de leur corps. »
Pour remédier à cette terrible perspective, il n’y a pour Daniel 1 que la nouvelle « religion », celle des Elohims, qui croient en la réincarnation et qui postulent que celle ou celui qui meurt laissera, le moment venu, la place à son propre clone : un clone plus jeune, plus vigoureux et prêt à se précipiter vers la vie et la reproduction.