« Journal du 9.08 (suite): je sens le dénouement tout proche et cela me réveille la nuit. Je reprends l’écriture avec la ferme intention de
mettre le point final provisoire aujourd’hui même. Dés l’aube, j’ai réglé la rencontre chez Gilda. Les choses tournent mal car les deux femmes ne peuvent supporter longtemps les
manières et les discours de cette « marionnette au visage de terre cuite ». Surtout, elles ne supportent pas l’idée que Gigi abandonne aussi vite la Sicile pour aller la rejoindre en
Californie. »
Turisto americano ?
Rubrique Goncourt : Amant en culottes courtes
Exceptionnellement, je commence par un courrier de collègue qui rejoint ce que j’avais en tête en ce moment (en tout bien tout honneur !)
autour du controversé « Amant en culottes courtes » que je suis en train de lire avec attention (j’en suis environ à la page 400).
Nos élèves pertinents et exigeants ont d'ores et déjà dépassé le stade de leurs premeirs engouements.reste l'évocation répétée des pages "sexe " des romans de la
sélection j'ai moi-même eu à discuter avec mes élèves qui ne voyaient que cet aspect dans Fleischer et , en travaillant avec eux la première page, j'ai pu mettre le doigt sur la référence à
Proust qu'ils n'avaient pas bien sûr identifié et j'ai aussi insisté sur l'éclairage donné à l'ensemble par le voyage en hongrie finalquelques collègues m'ont dit leur satisfaction quand le
problème des pages érotiques a été abordé et a permis une réflexion sur la pornographie quelles différences entre Audéguy, Fleischer, et Littell?quels registres?eh oui, il faut toujours en
revenir à la distinction entre auteur et personnage car si les auteurs de romans policiers ne sont pas des meurtriers ni des assassins nos romanciers méritent-ils d'être traités de
pornographes?
A la recherche de la culotte perdue.
Les phrases, la tante Léonie… En ce qui concerne Proust je suis tout à fait d'accord…
Rôle des sensations, humour des descriptions, scènes de chambres, jeunes filles en fleurs, volonté capricieuse de capter l’attention, figure protectrice et vertueuse de la grand-mère, j'ai
même repéré page 81-82 une sorte de pastiche de la célèbre page de la madeleine...
Ce roman serait, à sa manière, un "Proust sous la ceinture" ou "à la
culotte", une entreprise de reconstruction du temps perdu et de recomposition d'une mémoire sexuelle (ceci pour réanoblir le texte et parer les attaques !). Il y a,
certes, tout un pan de la Recherche qui s’attache à la sexualité et qui « fait mousser » dés la « vulve » de la madeleine, tout un organisme de
références plus ou moins troubles. Mais avec Proust, on est dans la suggestion, les sous-entendus, les images, l’élaboration vertigineuse.
Avec ce roman, il s’agit pour l’auteur de retrouver la mémoire des premiers
émois de l’épiderme. Et puis, le projet est beaucoup plus limité : un mois d’éducation sentimentale entre le 1er et le 30 juillet. Un bouleversement interne dont l’auteur
parvient à analyser la substance à travers un astucieux exercice autobiographique en bonne et due forme. Il opère en effet un intéressant va et vient entre le présent de
l’écriture et le passé de ce petit garçon victime d’une forme particulière de schizophrénie !
Je vais donner en commentaire les pages 52-53 qui offrent une réflexion
intéressante sur la relation entre la mémoire et l'écriture...
Suite de réaction :
Pour répondre au courrier d'Eric, au sujet de ce jeune amant en culottes
courtes... Car, justement, je songeais ces jours-ci à vous mettre un mail, pour rectifier mon sentiment sur la littérarité des oeuvres proposées, que
j'ai lues - pas encore toutes - donc ce jugement est revu au fur et à mesure des mes découvertes...) ; et aujourd'hui même, avec les Terminales, nous (j'ai, surtout... peu l'ont lu, très
long...)avons parlé de ce texte, et de la forme de "réécriture" qu'il propose, et je leur en ai fait la publicité; c'est un texte qui, selon, moi présente un réel intérêt littéraire, et que je
lis avec une certaine délectation; sa référence à Proust, bien sûr dans la phrase initiale du roman ("Longtemps,
je...), bien qu'il annonce se garder d'imiter toute oeuvre antérieure, mais surtout les circonvolutions de ses phrases qui explorent les
méandres de la mémoire, de la psychologie d'un adolescent qui s'éveille à l'érotisme (point l'ombre de pornographie dans ces évocations-souvenirs qui, pour moi, restent pudiques), dans une langue
qui épouse subtilement les sinuosités de ce passé "recherché", exploré avec précision; mais aussi, et surtout, avec la distance de l'âge, il colore son texte d'un humour délicieux,
regard amusé de ce qu'on a été, et qu'on ne trouve pas vraiment chez le Maître... Par exemple (mais peut-être je me trompe...) je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement entre
les "tea-time" avec Mrs Buss et ceeux de tante Léonie.... Pour moi, donc, il n'y a pas de "sous la ceinture", mais c'est sûr, la mémoire olfactive de Fleischer séloigne un peu du parfum de
la madeleine proustienne.... quoi que... Et les scènes érotiques me semblent un prétexte à dire autre chose... tant d'autres choses... Et son vrai plaisir, à Fleischer, est
peut-être plus de coucher sur le papier les mots pour le dire... Faudrait lui demander... Voilà, j'avais pourtant pensé que je ne me lancerai pas dans une "critique" des oeuvres, car c'est aux
élèves de dire, moins à moi... Mais après la journée de cours où les interlocuteurs n'ont pas été si nombreux... j'avais envie de causer à des lecteurs éclairés... Mais comment nos jeunes
peuvent-ils aborder une oeuvre qui nécessite, un peu (c'est un euphémisme...), la complicité du lecteur, et fait appel à l'intertextualité ? Merci de vos courriers, je continue à
participer, et eux de lire...