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La journée de la jupe, « vent fripon ou jeu de dupe ?... »

Publié le par Eric Bertrand

« Journée de la jupe » ? C’est le titre du film dont on parle beaucoup cette semaine. Pour les besoins de mon livre intitulé « l’Organisme » qui était sur le point de sortir, moi qui m’interrogeais beaucoup sur le « métier et le milieu », je n’avais pas manqué ce film qui faisait événement. Le film est passé hier, l’occasion de s’attarder à nouveau sur les questions qu’il pose... A cette occasion, essayons de voir ce qu’il y a « sous les jupes des filles » comme le scande une chanson connue !
Tabous sur le port de la jupe ou de quelque autre accessoire susceptible de constituer une atteinte aux bonnes mœurs de nos adolescents fiévreux ? Sujet qui dérange ? Mouchoir qu’on met sur les yeux ? Voile pudique ? Cette thématique du tabou vestimentaire est en tout cas l’une de celles qui motivent le film « la Journée de la jupe ». Isabelle Adjani y incarne une prof « rebelle » qui ose affirmer sa féminité face à « la meute ».
Essayons d’aller plus loin, et de soulever un coin du voile autrement qu’à la manière du vent fripon que sifflait Brassens dans une chanson à son époque aussi leste que celle de Souchon...
Le film braque le projecteur sur un ensemble de problèmes qui vont bien au-delà de ces conflits d’apparences. Essayons dans un premier temps de les répertorier...
Le choc entre les cultures, la violence, les compromissions éducatives, la gestion des bons élèves et la gestion des « cas » difficiles, la délinquance, les rapports garçons-filles, profs-élèves, le problème de la transmission du savoir, l’enseignement des « classiques », la référence aux textes sacrés, constitutifs de notre culture... et d’abord, quels textes ? Molière, Hugo ? Rimbaud ? (Les élèves rient bêtement à ce nom et pensent à Rambo) Quel sacré ? La Bible ou le Coran ? Et puis quelle langue ? La langue littéraire ? La langue utilitaire ? La langue de la rue ?
Bref, ce court film à effet (une prof de français se sert d’un flingue pour gagner la parole et le pouvoir), d’une extrême simplicité dans son scénario, m’a tout l’air d’une fable et en tant que tel donne à réfléchir sur l’éducation.
Dans les premières réactions que j’ai pu entendre, évidemment, certains crient au scandale, à la schématisation, à la stigmatisation de la banlieue... Tous les gamins ne sont pas comme ça ! Il se passe des choses dans les établissements de banlieue sans que, pour autant, les enseignants en viennent à braquer leurs élèves pour se faire écouter...
Néanmoins, le film me paraît juste parce que, justement, le cadre qu’il a choisi dépasse le cadre de la banlieue et prend une valeur de symbole. Derrière la jupe et sous la « dentelle » des sourires salivés, il y a toute la question des corps qui s’expriment au collège. Des corps qui se cherchent et s’affirment dans le malaise et parfois la provocation. Car l’établissement scolaire est le lieu du regard exagéré. Rien n’échappe à l’œil et à la critique souvent méchante, sournoise en tout cas.
Autre aspect essentiel, dans le film, celui de la laïcité. L’enseignante revendique courageusement ces valeurs. En cours, et dans l’ensemble des matières, nous avons pour mission de brandir devant nos élèves le fameux étendard des « valeurs citoyennes ». Du fait de la différence d’âges, de niveau, des intérêts, des stéréotypes, que savent-ils au juste de l’Islam, de la Bible, de la rencontre des cultures et de la vie en société ? Les clichés ont la vie dure...
Pendant le cours, l’enseignant est comme Job. Il consent à se laisser déposséder de ses richesses (intérieures !) pour les achalander souvent dans le souk de la vulgarité ou de l’indifférence. A la différence de la professeure du film, il ne saisit jamais un flingue et livre inlassablement le même combat au nom de cette richesse qu’il veut transmettre à tout prix. D’ailleurs, quand elle a la situation en main, la première chose que la prof veut faire apprendre et répéter au caïd, c’est le nom de Molière !
Car c’est un fait, l’élève qui n’a pas envie d’apprendre n’apprendra pas. Bien au contraire, il se bute et, entre les deux directions devant lesquelles hésitait le fameux âne de Buridan, contrairement à l’âne, il n’aura pas de mal à choisir la voie du refus. C’est celle dont il sait pertinemment qu’elle le mènera à une victoire sur le système qui assurera davantage son rang de caïd ou de bouffon...
Le proviseur le dit clairement aux journalistes dans le film : « nous n’avons aucun moyen de pression sur ces élèves. » Les élèves sont là, bons ou mauvais plants à chauffer au coin des radiateurs ou sur un coin de pelouse... Ils sont là, ils viennent, ils ne viennent pas, ils travaillent, ne travaillent pas, de toute manière, le passage en classe supérieure est un acquis, la scolarisation est obligatoire et le bac est évalué en fonction des statistiques...

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A
J'ai été bouleversée par ce film, pour un tas de raisons: j'habite en banlieue et j'ai été enseignante. Même si mes élèves étaient plus jeunes, je les connais ces petits caïds, je connais leurs révoltes et leurs contradictions...Je sais la difficulté pour les enseignants, dans nos grandes villes d'enseigner face à ces jeunes en pertes de repères. Je connais aussi nos contradictions d'enseignants face à la laïcité, la mixité sociale, l'autorité, le racisme...<br /> <br /> Cette histoire de &quot;journée de la jupe&quot; aussi, est édifiante. Après des années où le port du pantalon était interdit pour les femmes, maintenant les jeunes filles, dans certaines cités, sont obligés de mettre des pantalons de jogging informes pour ne pas être insultées ( mais on trouve des filles habillées de façon incroyablement provocante dès le CM2!). Les féministes ont du souci à se faire!<br /> <br /> Isabelle Adjani est extrèmemnt touchante, fragilisée par la vie et ces illusions perdues, sa foi toujours intacte dans sa mission d'enseignante...<br /> Et une dernière chose &quot;l'Organisme&quot; est le livre de toi que je préfère, je le recommande à tous ceux qui se sentent concernés par les problèmes soulevés par ce film;
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