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« Harriet TUBMAN » d’Anouk Bloch-Henry De la voleuse d’esclaves à la Pretty woman…

Publié le par Eric Bertrand

Elle a le visage impassible, couturé de cicatrices. L’œil fier et étincelant. La lèvre boudeuse. D’une main ferme et usée, elle tient la crosse du pistolet accroché à sa ceinture. Elle s’appelle Harriet TUBMAN et elle fournit la matière de la biographie romancée écrite par Anouk BLOCH HENRY sorti en 2019 chez OSKAR Editeur. (www.oskarediteur.com)

Dans le cadre de l’opération LEAR, Anouk BLOCH-HENRY était l’invitée du lycée Vieljeux les 24 et 25 janvier 2022 et elle a répondu aux questions de deux classes de secondes. « Qui connaissait Harriet TUBMAN avant de lire le livre ? Personne ! Et pourtant, quelle femme ! Quel courage et quel exemple à méditer ! »

 

Dans le Maryland, en 1820, une fille d’esclaves, un « strange fruit » comme le chante Billie Holiday, grandit et porte en elle le poids de la mémoire (violences, trocs, coups de fouet, humiliations des maitres, sillage lourd des bateaux négriers qui, jadis, ont capturé ses ancêtres…) L’écrivaine retrouve peu à peu l’émotion de son personnage dont elle a emprunté la voix et le niveau de langue. Elle explique que c’est ça l’écriture, saisir un personnage dans le filet de son histoire et de son environnement. Et puis elle montre aux lycéens avides d’images et de surprises, des photographies, des cartes, des extraits de films, Amistad, 12 years a slave, Autant en emporte le vent, Lincoln.

Cette petite fille s’appelle Araminte, mais on la surnomme Minty. Très vite, elle éprouve cette farouche envie de rompre ses chaines et de clamer sa liberté. Non au dépierrage des sols qui lui arrondissent les poings ! Non à la chasse aux ragondins dans les étangs qui l’effraient… Celle que, plus tard, on surnomme « Moïse », ne sait pas nager. Mais du haut de son mètre soixante, elle tente avec ses deux frères une première évasion contre vents et marées. Elle a 27 ans, et n’a peur de rien. Mais ses frères, eux, redoutent les châtiments. Alors, elle retente l’aventure toute seule, deux ans plus tard.

Elle sait s’y prendre avec la Liberté. Elle la respire, en savoure le grand air, en comprend les codes secrets. Emprunte les voies du réseau : « le chemin de fer souterrain », qui aide « les passagers » à « prendre le train » et à s’adresser, au bout du « voyage » au bon « chef de gare » qui les remettra « sur les rails ».

La rage au ventre, elle marche, trébuche, se cache, avance dans la nuit ; et quand elle arrive enfin en Pennsylvanie, Etat libre, elle peut enfin regarder les gens en face et, comme elle aime l’action et le partage, elle ne tarde pas à endosser à son tour le costume de « chef de gare ». Mais un chef de gare qui va chercher ses passagers pour leur apprendre à « lire les cartes ». Un chef de gare qui déjoue les chasseurs de primes sur les trousses des « voleurs d’esclaves ». La frontière de la Liberté recule inexorablement jusqu’à la frontière du Canada, huit cent kilomètres plus loin.

Mais au diable les obstacles, rien n’arrête Minty, même pas ce qui est faussement écrit contre les esclaves dans la Bible. Bien au contraire ! C’est le texte Sacré qui guide l’esclave analphabète, c’est le texte Sacré qui lui donne la voix et le souffle. Dans son livre, Anouk BLOCH-HENRY mêle les deux discours, celui de la femme simple et pressée et celui de l’Ancien Testament dont elle connaît par cœur des passages entiers.

Les élèves ont bien repéré cette superposition des deux voix au-dessus desquelles pèse la menace de la Loi et du Châtiment. « Wanted, alive or Dead ». La cote de Moïse a grimpé de plusieurs milliers de dollars, car Moïse passe à travers les mailles du filet. Elle sait aussi que les voix de la politique sont tout aussi impénétrables. Elle est entrée en relation avec William SIWARD, futur premier ministre et plus radical que le futur président LINCOLN sur la question de l’abolition. Dans ce combat qui va mener à la guerre de Sécession au nom de deux causes différentes, le Sud a déjà créé son propre drapeau. C’est ce drapeau de haine que brandiront plus de cent ans plus tard les hordes du Capitole ralliées à TRUMP. Ce nouveau forcené refusera le projet de mettre l’image d’Harriet TUBMAN sur les billets de vingt dollars. Quelle honte ! Le visage d’une femme noire sur un billet qui circule au quotidien dans les mains d’honnêtes Américains blancs de peau...  Il n’y a  qu’un OBAMA ou qu’un BIDEN en fin de mandat pour oser soutenir cette drôle d’idée. De la même façon, puisque l’histoire d’Harriet semble  intéresser la nation, pourquoi ne pas tourner un film dans la veine du « white washing » et donner le rôle à Julia Roberts, actrice qui, par ses traits de « Pretty woman », redorerait un peu le blason de la voleuse d’esclaves. Et de toute manière alléguait le réalisateur, c’est déjà du passé et les gens ne se souviennent plus … C’est de cette façon qu’on maquille l’Histoire et les lycéens, qui ont vu grandir et souffrir et se libérer Harriet, n’apprécient pas ce genre d’imposture.

« Harriet TUBMAN » d’Anouk Bloch-Henry De la voleuse d’esclaves à la Pretty woman…
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