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Balzac, Le Père Goriot : dosette de lecture n°85 : Entrer dans la vie, c’est accepter la basse cuisine

Publié le par Eric Bertrand

Comment résister quand on est un pur à ces « Trompettes de la renommée » qui attirent les provinciaux vers la capitale ? La question est posée dans les grands romans du XIX°, ceux de Stendhal, de Maupassant, de Zola mais aussi et surtout de Balzac. Par Brassens aussi qui met souvent en scène de ces jeunes blancs becs dont il s’amuse dans une de ses dernières chansons : « Que ton Rastignac n’ait cure ô Balzac, de ma concurrence. » Mais pour réussir, il faut que « le jeune coq » se barde et comprenne bien à quoi il doit s’en tenir… Assez perdu de temps avec l’Amour, les chimères, l’honnêteté ! Place à l’Argent et au Lucre, et pour cela, il faut foncer et piétiner les derniers scrupules.

             Lorsqu’il quitte Angoulême, comme son futur cadet des Illusions perdues, Lucien de Rubempré, Eugène de Rastignac est vulnérable et doit accomplir un apprentissage, car il est le héros, porteur des grands espoirs de sa famille qui est prête à se saigner pour lui. Dès son arrivée, il fait jouer les pistons : la comtesse de Beauséant, sa cousine éloignée et rompue aux usages du monde, lui explique aussitôt le mode d’emploi et ne mâche pas ses mots : « Considérez les hommes et les femmes comme des chevaux de poste ».

             En d’autres termes, pas de sentiments, pas de scrupules. Et Balzac semble vouloir illustrer ces propos tout au long de la fable qu’il déroule sous les yeux de son lecteur : le père Goriot a deux filles pour lesquelles il se sacrifie peu à peu et que récolte-t-il en échange ? Rastignac assiste, impuissant à la dégringolade de cette figure christique du renoncement et de l’Amour. Lié au diabolique Vautrin qui habite comme lui l’humble pension Vauquer, il écoute malgré lui la parole de celui qui se révèle véritable truand. Et l’ancien forçat connaît toutes les ficelles et a des avis bien arrêtés sur la vie et sur la « Comédie humaine » :

             « Voilà la vie telle qu’elle est. Ce n’est pas plus beau que la cuisine, ça pue tout autant et il faut se salir les mains si l’on veut fricoter (…) Mon petit, quand on ne veut pas être dupe des marionnettes, il faut entrer tout à fait dans la baraque »

Balzac, Le Père Goriot : dosette de lecture n°85 : Entrer dans la vie, c’est accepter la basse cuisine
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