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cinema

« Dans la maison » de François Ozon : écrivain et lecteur en huis clos (3/4).

Publié le par Eric Bertrand

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On l’a compris, l’une des forces du film de François Ozon, réside tout particulièrement dans cette ambiguïté de la relation qui unit l’écrivain et son lecteur. Elle est doublée d’une réflexion sur la mise en scène des situations narratives dans la mesure où, dans cet échange particulier entre le maître et l’élève, il y a, de la part du maître, une volonté de faire jouer les meilleures ficelles du récit : celles qui posent « l’objet à atteindre » et la série de conflits que doit inévitablement engendrer la quête de l’objet.

Quand Michel Tournier parle du rapport du lecteur au livre, il utilise la curieuse métaphore du « vampire sec ». Le machiavélique élève, qui ne peut pas écrire sans agir au domicile des Rafa, est le vampire sec de Germain. Il se nourrit des fantasmes, des désirs, des représentations de son lecteur avide qui lui livre son sang. Dans cet étrange échange d’énergies, le lecteur est le meilleur complice du monstre buveur de sang... Toute bonne littérature n’est jamais innocente.

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« Dans la maison » de François Ozon : écrivain et lecteur en huis clos (2/4).

Publié le par Eric Bertrand

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« Dans la maison », c’est le titre du film et c’est également l’espace étouffant des quelques pièces dans lesquelles se déroule l’action de la rédaction. La famille « Rafa », le père, le fils, la mère ... La chambre de Raphaël, le salon, la salle de bain, l’escalier, la chambre des parents dans laquelle se renifle « l’odeur de la femme de la classe moyenne », la capiteuse Esther. L’élève termine le devoir par un énigmatique « à suivre » qui annonce en effet, par un bel effet de mise en abyme, la suite à la fois du film et de la rédaction. 

L’écrivain en herbe a du talent. Il sait créer des ambiances, croquer des personnages, ménager du suspense. Le professeur, disciple de Flaubert, trouve raisonnable de lui indiquer des astuces afin de rendre progressivement son récit plus palpitant. Comme il l’affirme lui-même, tout lecteur attiré par un livre doit se sentir « sultan devant Shéhérazade ».  Si, dans « les Contes des mille et une nuits », Shéhérazade n’est pas exécutée comme les autres odalisques, c’est parce qu’elle sait tenir en haleine son auditeur par l’habileté de ses contes. De la même façon, Germain (et le spectateur) attend avec une impatience coupable la suite de l’histoire. Il subit l’effet de fascination que lui procure cette entrée par effraction narrative dans le jardin secret des Rafa. Il ne veut pas les connaître, il préfère les imaginer à travers la magie du récit. Sans doute est-il, comme l’élève à la petite gueule de fin limier, captivé par « l’odeur » sensuelle d’Esther, mère au foyer, un peu délaissée par ses deux hommes.

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« Dans la maison » de François Ozon : écrivain et lecteur en huis clos (1/4).

Publié le par Eric Bertrand

 

 

Germain est un prof de lettres désabusé qui fait sa rentrée sans conviction et encaisse, les yeux décavés, les discours de pédagogie dans le vent distribués comme des coups de poing par la communauté éducative. « L’élève – l’apprenant - au centre du système », « le port du costume par souci d’égalité au cœur de l’établissement », « la disparition progressive de la note pour ménager les apprenants »...

Le visage quasi nauséeux, Lucchini incarne ce personnage qui n’attend plus grand-chose non plus de ses élèves. Il vient de lire Schopenhauer pendant les vacances d’été, ce qui n’arrange rien. A la fin du film, il est assommé par un coup de « Voyage au bout de la nuit » dont l’exemplaire relié fournit une arme idéale à son agresseur. Quand on connaît un peu les goûts littéraires du lecteur Lucchini, ces détails sont savoureux...

 

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Les intellectuels dans Woody Allen

Publié le par Eric Bertrand

 

 

L’un des aspects savoureux des films de Woody Allen, c’est le discours qu’il tient ou fait tenir à ses personnages à propos de l’intellectualisme au point qu’il est difficile de voir l’un de ses films sans que cette ficelle ne vibre ! Allusions à Shakespeare, Tchékhov, Dostoïevski, souvent au détour d’une conversation mais parfois davantage, dans une longue « tirade » ou au sein d’un dialogue.

                Mais toute l’ambiguïté de ces bons moments typiques de ses films réside dans la mise à distance de ce discours. C'est-à-dire qu’en même temps qu’il le mentionne et lui donne une importance cinématographique, Woody Allen s’en moque et le rejette avec hostilité. Et pour que l’effet burlesque fonctionne, les discours qu’on entend sont particulièrement lourds et gavés de grands mots et concepts indigestes...

                Cette hostilité se manifeste de manière brutale par exemple dans l’attitude d’un mari qui s’enferme dans une chambre pour regarder un match de football américain et ne pas écouter les discours fumeux d’un ami venu à la maison... Dans le regard déboussolé du cinéaste qui subit, à la table d’un café, les discours pompeux d’un universitaire (c’est ce qui se passe avec la jeune new-yorkaise dans « Midnight in Paris » : fiancée du héros, elle tombe par hasard sur un ami universitaire et « brillant » qui leur propose une visite guidée de la capitale...) Or, le vrai plaisir intellectuel n’est pas là. Il réside plutôt dans ce nouveau « Paris est une fête » qui se révèle au spectateur que le rêve emporte, au hasard de l’intrigue un brin surréaliste, du côté d’Hémingway, Fitzegerald, Picasso.

                En d’autres termes, Woody Allen, ce brillant intellectuel new-yorkais, bobo en son genre, affecte au cinéma cette attitude de mépris pour la chose intellectuelle que pourrait aussi bien affecter un prolétaire de Brooklyn, obtus, agressif, vivant comme une discrimination le fait qu’il ne connaisse pas l’art.

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Arrietty et le petit monde des chapardeurs

Publié le par Eric Bertrand

 

 

On pourrait croire à un dessin animé d’origine celtique, traitant de fées écossaises ou de korrigans… Pas du tout... on est dans l’univers charmant et inventif du réalisateur japonais de “Ponyo et la falaise” auquel j’avais déjà consacré un article dans ce blog.

                Arrietty est une mignonne petite créature, coquette et astucieuse, courageuse et curieuse, qui suit son père dans des aventures nocturnes chez les humains. Au cours de ces aventures, la mission consiste à chaque fois à « chaparder » des petits gâteaux et du sucre pour assurer la subsistance de la famille qui vit cachée dans une espèce de maison de poupée, à l’abri des regards des humains.

                Il ne faut surtout pas que les humains découvrent qu’ils existent, sans quoi le petit peuple serait en grand danger et contraint à l’exil ! La maman aime beaucoup trop son confort, sa cuisine et sa théière et Arrietty est aux petits soins pour elle, comme le mari, Indiana Jones en format poche, suréquipé de lampes, crochets, cordes, crocs, nécessaires à ses exploits.

                Sa fille le suit comme son ombre, mini James Bond girl au charme irrésistible, elle ne résiste pas à l’attrait du gentil garçon malade qui l’a découverte un matin sous le parapluie d’un trèfle à quatre feuilles et qui est bien décidé à lui léguer, à elle et à sa famille, la maison de poupée que son grand-père, conscient de l’existence du petit peuple, avait confectionné...

                Un film surprenant, rempli de grâce et de délicatesse, qui, une fois de plus dans ces studios Ghibli, délivre une leçon inquiétante sur le monde envahissant des humains et sur la méfiance à l’égard des « petits peuples » dotés d’autres propriétés que la leur !

 

 

 

 

 

 

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