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cinema

Les Neiges du Kilimandjaro (2/2)

Publié le par Eric Bertrand

 

 

        Et puis la vie reprend pour le couple dans cette nouvelle retraite qui prépare « le grand voyage ». Mais un soir, violent changement de cap avant l’Afrique. Attaque à main armée au domicile, opération de rapine, et « le trésor », les cartes bleues sont raflés. Déraillés, les anciens dockers se retrouvent ébahis, dépassés par ce geste lâche qui a forcément été commis par l’un des « témoins de la fête ».

         Et de fait, Michel remonte facilement à la source lorsqu’il surprend dans un bus deux enfants occupés à lire le magazine de « Strange » qu’en clin d’œil à sa passion d’adolescence, son ami d’enfance lui avait offert en même temps que le coffre.  L’agresseur est aussitôt arrêté, condamné, et Michel et les autres satisfont ainsi la soif de vengeance du clan... Mais parallèlement, ces anciens syndicalistes au grand cœur, ces jeunes idéalistes militants (qui se sont retrouvés du jour au lendemain comme le dit Marie-Claire « vieux et retraités »), constatent qu’en punissant le coupable, ils ont aussi atteint au cœur un foyer en déroute, et notamment les deux jeunes frères de leur agresseur. Ces derniers n’ont ni père, ni mère pour s’occuper d’eux. Avant le drame, c’était le grand frère qui tâchait de les élever comme il le pouvait, le grand frère victime comme Michel du tirage au sort et du licenciement...

          Alors, courageusement, chacun à sa manière, Michel et Marie-Claire font machine arrière sans rien dire à l’autre, et oeuvrent pour aider les deux enfants abandonnés. La scène finale a lieu sur la plage. Michel ne sait pas que Marie-Claire s’occupe plusieurs heures par semaine des enfants. Elle lui a dit qu’elle aidait une amie. Il la retrouve par hasard accompagné des deux gamins, un peu comme le marin des « Pauvres gens » qui trouve qu’il devrait demander à sa femme de bien vouloir élever les orphelins qui viennent de perdre leur mère. La dernière image indique clairement la référence : « ce film est inspiré du poème de Hugo »

L'homme prit un air grave, et, jetant dans un coin
Son bonnet de forçat mouillé par la tempête :
"Diable ! diable ! dit-il, en se grattant la tête,
Nous avions cinq enfants, cela va faire sept.
Déjà, dans la saison mauvaise, on se passait
De souper quelquefois. Comment allons-nous faire ?
Bah ! tant pis ! ce n'est pas ma faute, C'est l'affaire
Du bon Dieu. Ce sont là des accidents profonds.
Pourquoi donc a-t-il pris leur mère à ces chiffons ?
C'est gros comme le poing. Ces choses-là sont rudes.
Il faut pour les comprendre avoir fait ses études.
Si petits ! on ne peut leur dire : Travaillez.
Femme, va les chercher. S'ils se sont réveillés,
Ils doivent avoir peur tout seuls avec la morte.
C'est la mère, vois-tu, qui frappe à notre porte ;
Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous,
Cela nous grimpera le soir sur les genoux.
Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres.
Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,
Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson.
Moi, je boirai de l'eau, je ferai double tâche,
C'est dit. Va les chercher. Mais qu'as-tu ? Ça te fâche ?
D'ordinaire, tu cours plus vite que cela.

- Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, lès voilà!"

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Les Neiges du Kilimandjaro (1/2)

Publié le par Eric Bertrand

 

 

Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d'ombre et l'on sent quelque chose
Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d'un bahut vaguement étincelle,
On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
Tout près, un matelas s'étend sur de vieux bancs,
Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent (...)

 

           Ainsi commence ce long et beau poème de Victor Hugo extrait de la légende des siècles et intitulé « les pauvres gens ». Le cinéaste Robert Guédigian (à la sensibilité hugolienne) y rattache directement son dernier film, « les Neiges du Kilimandjaro », qui met en scène des personnages attachants issus des milieux populaires et notamment celui des dockers de Marseille.

           Suite à une vague de licenciements et pour tâcher de sauver l’entreprise, le comité syndical que dirige le héros, Michel, met en place un tirage au sort dont sont victimes une vingtaine de membres dont le fameux Michel, qui n’a pas voulu abuser de son droit d’élu et qui doit prendre une retraite anticipée.

           C’est une page qui se tourne et une petite fête d’adieu est organisée autour du couple simple et courageux qu’il forme avec Marie-Claire. Après cotisation collective, les camarades offrent symboliquement aux jeunes retraités un « coffre » : dans le coffre, un billet d’avion pour la Tanzanie, au pied du Kilimandjaro et de « l’argent de poche » (environ deux mille euros). Des chansons, des souvenirs, des confidences et beaucoup d’émotion autour de l’événement. Et la chanson, « les Neiges du Kilimandjaro » bien-sûr...

 

 

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La vague

Publié le par Eric Bertrand

             « La Vague » est un film allemand réalisé par Denis Gansel en 2008..... Il offre une troublante réflexion sur la montée du totalitarisme à travers une expérience pédagogique intéressante dans son idée.

             Un professeur connu comme « anarchiste » est chargé par son institution de faire un cours sur l’autocratie. Malgré ses protestations et son envie de s’exprimer au sujet de son domaine de prédilection, il est obligé de se pencher sur la question... Qu’est-ce que l’autocratie ? Comment ça marche ? Pouvez-vous citer un exemple d’autocratie ? Hitler bien sûr... Pensez-vous qu’un régime comme le nazisme puisse un jour revenir dans notre pays ? Non, évidemment ! Les étudiants de la classe en sont presque offusqués...

             Pour donner du relief à son cours et expliquer le fonctionnement du concept, le professeur met d’emblée en place un certain nombre de codes et de rituels : l’ordre de l’espace de la classe, le salut, la position de réponse, la nécessité de l’entraide entre membres, (on peut taper du pied en même temps pour sentir la force du groupe et faire vibrer le plafond de la salle d’en-dessous, celle qui bosse sur l’anarchie....), la création d’un nom : « la vague », d’un sigle, d’un costume, d’un signe de reconnaissance...

             Et petit à petit, à l’exception de certains esprits forts, les étudiants sont conquis par ce cours qui s’insinue dans leur vie, qui comble les manques, qui répond à des pulsions, des envies, des aspirations jusque là informulées ou refoulées.

              Le professeur se prend au jeu, devient un chef, une figure charismatique qui manipule le groupe. Dans la salle des profs, le vide se fait autour de lui. Où l’expérience va-t-elle s’arrêter ? Le cours est censé durer une semaine, mais en deux séances, l’esprit s’est embrasé et la fureur adolescente s’est emparée de l’idée. L’énergie de groupe est immense. Un dérapage grave est désormais inéluctable et le professeur, dont l’évolution devenu trouble dans son comportement, flatté, grisé peut-être par son succès, convoque son groupe en urgence le samedi matin, s’enferme dans l’amphi de la fac et tente une expérience ultime...

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« Christine », la belle Américaine de l’archange maudit (4/4)

Publié le par Eric Bertrand

             Objet de convoitises et de haines diverses, la voiture elle aussi est en crise. Folle de rage, implacable, Christine s’emporte, Christine s’enflamme et immole ses victimes par le feu. Puis ses ardeurs tiédissent et elle rentre au garage. A ce stade, le spectateur ne sait pas si le conducteur est au volant. Agit-elle pour son propre compte ? Son maître est-il allé assez loin pour partager enfin avec elle le frisson du Mal conquérant ? Le fait est que, tout au long du film, Arnie devient de plus en plus violent, de plus en plus imprévisible.

              A la fin, il n’appartient plus à l’ordre des hommes. La voiture l’a en quelque sorte « vampirisé »... Le dénouement le montre en effet jubilant au milieu des flammes et poignardé par le moyen d’un morceau de verre planté dans le cœur à la façon d’un pieu. Mais le cœur de Christine respire encore et la lueur du poste radio continue d’éclairer d’un éclat fauve le tableau de bord.

              Le cinéaste a magnifiquement joué des couleurs, filmé en multipliant les plans les allures anthropomorphes de la calandre, des phares, du capot avant, rouge de colère, noir de nuit, luisant. Et quand le monstre est enfin (en apparence) anéanti, écrasé par les chenilles d’un Caterpillar, dans la figure intestinale ou cérébrale que dessine l’amalgame de ferraille, dernière image du film, on perçoit encore, comme un frémissement, un vaisseau sanguin qui palpiterait dans l’organisme de métal. 

 

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« Christine », la belle Américaine de l’archange maudit (3/4)

Publié le par Eric Bertrand

                La belle lui est particulièrement reconnaissante et le lui rend bien. Une étrange complicité s’établit en effet entre l’élégante Américaine et le jeune homme : lorsque s’allume le poste de radio, le spectateur comprend que c’est Christine qui s’éveille, qui manifeste sa voix et son avis. Jalousie, mise en garde, colère, indignation... Les phares sont des yeux qui s’ouvrent car, en bonne créature de la Nuit, véritable vampire au féminin, la créature promène sa robe rouge au cœur des ténèbres. Et progressivement pendant le jour, son propriétaire se métamorphose lui aussi.

              Saisi du vertige de l’amour, de la révolte contre ses parents et ses tortionnaires, grisé par le pouvoir de la grosse mécanique laquelle, telle le Phoenix, renaît de ses cendres, Arnie s’enflamme au volant de sa voiture. Vêtu d’une veste trois quart rouge, les cheveux noirs, peignés en dérapage contrôlé, l’œil en feu de croisement, le rire en crissement de pneumatique, il apparaît finalement comme l’archange déchu, le monstre méphistophélique pétaradant au milieu des flammes du moteur.

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