Avoir le cafard ! L’insecte n’est pas une figure agréable à fréquenter d’autant que la plupart du temps, il monte au cerveau !
Baudelaire qui a vomi le spleen et accusé les traits des « infâmes araignées » venant « tendre ses filets au fond de nos cerveaux » trouvait les bonnes images pour évoquer cette déroute de
l’Espoir. Ce que l’expression idiomatique « Avoir une araignée au plafond » contribue très bien à restituer.
Il semble que l’insecte soit une spécificité française : en portugais, on dit « avoir de petits singes dans le grenier », en
néerlandais « avoir reçu un coup de moulin » et en anglais, « avoir des chauve-souris dans le beffroi ».
Après le coup de
grâce de la Faucheuse comme écrit Brassens, « la rencontre au coin d’un bois de sa majesté la mort », le temps passe et l’intéressé « mange ou fume les pissenlits par la racine ». Le monde est
inversé et l’activité des sens persiste selon l’imaginaire des langues. « Fumer », ce n’est pas « tirer des bouffées de tabac » et s’intoxiquer (il n’est plus temps et, à ce stade, on s’en
fiche !) mais engraisser la terre. On disait aussi plus joliment « fleurir les pissenlits »
Les Allemands dédaignent les pissenlits et posent un œil plus attendri sur les radis : le mort « regarde les radis par en dessous ». Fort de
sa position, il est, d’après les Néerlandais, « couché sous les mottes vertes » et même, pour les Anglais, doté d’une vigueur nouvelle puisqu’il « pousse les marguerites vers le haut » (« to push
up the daisies ») sans jamais plus, hélas, pouvoir les effeuiller !
La mort est un sujet assez grave pour que les hommes l’abordent sous toutes ses formes, artistiques ou non. Le biais
de la plaisanterie est souvent privilégié notamment dans le dispositif du langage qui procède souvent par volonté d’atténuation de la douleur ou du tragique que la réalité de la chose
implique.
L’argot préfère le délicat « casser sa pipe » ! La vie est ainsi représentée comme un petit tube fragile (tout
dépend de la matière dont est constitué ce tube !) qu’on fume le temps de quelques années. Pas de métaphore minérale pour l’espagnol qui affirme que mourir c’est « étirer la jambe », ce que le
portugais nuance en suggérant que c’est plutôt « tendre le jarret ». Affaire de détente, la mort comme ultime épreuve d’athlétisme dans le décathlon de la vie !
Ces quelques expressions concernent en tout cas le moment de la mort, le déclic qui fait passer de vie à trépas... Mais
l’histoire ne s’arrête pas là : quand on a « fait le grand saut », quand on est mort, c’est pour longtemps et les langues nous réservent d’autres charmantes formules qu’on détaillera demain.
Certains tempéraments facétieux aiment bien s’amuser aux dépens des autres et tirer parti de « la bonne mine » de celui qu’ils « mettent en boite ». C’est un peu comme un pantin dont ils se
plaisent à tirer les ficelles car ils en connaissent parfaitement le fonctionnement. Une fois mis en boite, le pantin a du mal à échapper au piège de la plaisanterie et, comme on dit, « il a bon
dos ». Surtout si on l’a mis dans « la boite de Pandore » avec le reste des maux !
Peut-être que les Anglais trouvent plus amusant le fait de « tirer la jambe de quelqu’un » : « to pull someone’s leg. » ; Le
résultat est le même : il s’agit de faire perdre l’équilibre pour s’amuser de la maladresse du boiteux ! J’en connais de ces albatros !
Nous traversons tous des expériences difficiles, des moments douloureux ou pénibles, des épreuves que nous
avons hâte de terminer. Une expression idiomatique (utilisée souvent de façon galvaudée) est intéressante à comparer à d’autres langues : elle est issue de l’univers ferroviaire, elle sent la
gare Montparnasse ou n’importe quelle petite gare du Jura, des Alpes, des Vosges ou des Pyrénées. « Voir le bout du tunnel ».
Le cours de maths est trop long, j’ai hâte de voir le bout du tunnel. La file de voitures n’en finit pas, quand donc
sortirons-nous du tunnel ?... De l’autre côté de la Manche, les Britanniques qui jadis par la Cornouailles et l’immense forêt de Brocéliande, étaient reliés aux côtes de « petite Bretagne, disent
encore qu’il faut « sortir de la forêt » (« to get out of the wood »), et les Allemands, dissimulés derrière les inquiétants vallonnements de la forêt noire, affirment qu’il faut « passer de
l’autre côté de la montagne ».
Littérature, écriture et voyage. Comment la lecture et le voyage nourrissent-ils la pensée et suscitent-ils, en même temps que le plaisir, la curiosité, l'écriture ?
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