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livres

La « The Nana » et la Vénus décatie (3/4)

Publié le par Eric Bertrand

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               Je terminerai par des références à d’autres auteurs de l’époque de Zola pour montrer comment la « circulation entre les textes » peut être riche en enseignements divers, commençons par une autre forme de la « mouche d’or » : « le vampire » de Baudelaire

 

La femme cependant, de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc :
" Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !
Je suis, mon cher savant, si docte aux Voluptés,
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,
Les anges impuissants se damneraient pour moi ! "

Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle,
Et que languissamment je me tournai vers elle
Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne vis plus
Qu'une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus !
Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante,
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
A mes côtés, au lieu du mannequin puissant
Qui semblait avoir fait provision de sang,
Tremblaient confusément des débris de squelette,
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer,
Que balance le vent pendant les nuits d'hiver.

     Charles Baudelaire

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La « The Nana » et la Vénus décatie (2/3)

Publié le par Eric Bertrand

 

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                  Le pouvoir charnel de l’intéressée est tel qu’un journaliste perspicace l’appelle « la Mouche d’or » : cette image est cocasse et plaît particulièrement à l’auteur de « l’Organisme » ! D’autant qu’elle fonctionne à la fois comme « bon mot » de journaliste (attribué à un certain Fauchery) et comme mythe littéraire à l’œuvre dans l’ensemble du roman : Nana parvient en effet à s’immiscer jusque dans les tissus des hommes les plus dignes, les plus en vue, dont le comte Muffat dont elle fait craquer la carapace et les principes et dont elle perce tous les secrets. Zola la décrit animale, organique. Bestiole avide et perverse au charme épidermique, elle se glisse dans les fibres de ses amants pour les manipuler. « Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien ; et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu’une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit... Une mouche couleur de soleil envolée de l’ordure, une mouche qui prenait la mort sur les charognes tolérées le long des chemins et qui, bourdonnante et dansant jetant un éclat de pierreries, empoisonnait les hommes rien qu’à se poser sur eux, dans les palais où elle entrait par les fenêtres. »

             De fait, elle les tient jusqu’à les humilier, expliquant par exemple au comte que sa femme (qu’il trouve froide et guindée) a des amants qui la dévergondent hors de chez elle, s’amusant de lui, le ruinant à belles dents comme elle en ruine d’autres. Le lit de Nana devient un brasier dans lequel se fond l’or des amants qu’elle conquiert. C’est un peu la Pandora courtisane. Toutes les énergies de ces aristocrates, de ces banquiers bien en vue, leurs terres, leurs demeures, leur argent, s’évanouit entre ses bras. Voilà le mythe de la mouche d’or qui s’achève en une horrible vision de la Vénus devenue « charogne » pour parler le langage de Baudelaire.

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La « The Nana » et la Vénus décatie (1/3)

Publié le par Eric Bertrand

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             Dans l’optique d’un approfondissement de mon étude de « l’Assommoir », j’ai relu Nana... Nana, c’est la fille de l’héroïne de « l’Assommoir » que l’on voit « éclore » sur le pavé dans le chapitre 12 du roman, au moment de la « débâcle » de la famille dans l’alcoolisme et le laisser-aller.

             Nana a quinze ans et son charme ravageur l’entraîne vite bien loin de ce « trou » dans lequel sa mère finira par « crever » tel un chien. Le lecteur, amateur de « suites », la retrouve donc dans ce nouvel opus des « Rougon Macquart » : elle est devenue actrice, (actrice et courtisane) car l’un n’allait pas sans l’autre à l’époque, et quand Nana joue, elle reçoit dans sa loge des messieurs du grand monde, éblouis par sa fauve beauté qui dérange toutes leurs représentations de la femme et les principes de leur morale.

             Ainsi, quand le comte Muffat (malheureuse victime de la « mouche d’or ») s’approche de la loge il perçoit « un frisson de trouée ardente ». Même les grands de l’Etat (Muffat est aussi chambellan) subissent l’attraction et la contagion de cette actrice qui joue, ce n’est pas un hasard, le rôle de Vénus dans une version dégradée du modèle mythologique.

            Dès le début, et par le biais de cette mise en abyme du roman par le théâtre, le lecteur est installé dans le cercle infernal de la corruption du pouvoir (s’il ne dénonce pas le régime de Napoléon III comme Hugo du haut de son exil, Zola ne cesse pas pour autant d’observer le degré de bassesse auquel il est arrivé). Pour mémoire, il y a tout un livre des Châtiments de Hugo consacré à cet aspect de « la fête impériale » et nul doute que Nana en est la brillante métaphore...

 

 

 

 

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« Novembre », œuvre de jeunesse de Flaubert

Publié le par Eric Bertrand

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                    Récit de jeunesse... Le narrateur évoque d’abord cette « puberté du cœur » qui précède celle du corps et qui correspond à un mouvement exalté vers l’infini et les vagues pensées de l’Idéal, en d’autres termes ce qui a généré les grandes œuvres du Romantisme, « les Souffrances du jeune Werther », Chateaubriand, Lamartine, « la Confession d’un enfant du siècle » et « Madame Bovary », encore elle !

                    Car, même si l’ouvrage est cité comme le premier acte de la littérature réaliste, il met au premier plan une héroïne pénétrée des rêveries romantiques et en cela avatar du jeune Flaubert tel qu’il se définit à travers le narrateur de « Novembre ». J’ai vécu dans une aire élevée, où mon cœur se gonflait d’air pur, où je poussais des cris de triomphe pour me désennuyer de ma solitude. A travers la la double confession de la prostituée Marie et du narrateur, ce sont les accents exaltés et délirants de la jeune femme qui a lu trop de littérature... De nombreux passages pourraient être cités et figurer dans Mme Bovary, l’ironie en moins, car à cette époque, Flaubert adhère totalement au romantisme. Par exemple ce passage :


Ecoute, comme notre vie serait belle si c’était ainsi, si nous pouvions demeurer dans un pays où le soleil fait pousser des fleurs jaunes et mûrit les oranges, sur un rivage comme il y en a, à ce qu’il paraît, où les hommes portent des turbans, où les femmes ont des robes de gaze ; nous demeurerions couchés sous quelque grand arbre à larges feuilles, nous écouterions le bruit des golfes, nous marcherions ensemble au bord des flots pour ramasser des coquilles, je ferais des paniers avec des roseaux, tu irais les vendre ; c’est moi qui t’habillerais, je friserais tes cheveux dans mes doigts, je te mettrais un collier autour du cou, oh ! comme je t’aimerais ! comme je t’aime ! laisse-moi donc m’assouvir de toi !


Et celui-là extrait de Mme Bovary :


Ne fallait-il pas à l’amour, comme aux plantes indiennes, des terrains préparés, une température particulière ? Les soupirs au clair de lune, les longues étreintes, les larmes qui coulent sur les mains qu’on abandonne, toutes les fièvres de la chair et les langueurs de la tendresse ne se séparaient donc pas du balcon des grands châteaux qui sont pleins de loisirs, d’un boudoir à stores de soie avec un tapis bien épais, des jardinières remplies, un lit monté sur une estrade, ni du scintillement des pierres précieuses et des aiguillettes de la livrée.


 « La p’tite Bill elle est malade... »

 

 

 

 

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Fables et politique (1/2)

Publié le par Eric Bertrand

 

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                 L’une des forces de La Fontaine a été de mettre en scène de façon détournée les hommes de son temps et notamment les hommes de pouvoir. Logiquement, on retrouve chez les amuseurs de notre époque une veine caricaturale qui emprunte précisément le masque des animaux. Ainsi je suis tombé sur le net (il ne circule pas que des absurdités sur la toile) cette « fable » signée Anne Roumanoff que je prolongerai demain...

 

Un renard prénomme Nicolas,

Sur une basse cour régnait.

Mais il était conteste:

"Il ne fait pas rentrer assez de blé,

Nous n’avons plus de grain à picorer,

Se lamentaient les affames".

"- Je fais de mon mieux répondait Nicolas,

Sans moi ce serait pire croyez moi.

Il y a une énorme crise mondiale,

Ne l’oubliez pas c est infernal"

Beaucoup d animaux voraces

Rêvaient de prendre sa place.

A gauche la vache Martine,

Et la pintade Ségolène

Crurent un temps pouvoir devenir reines.

Mais ce fut le pigeon François,

Qui leur fit la nique,

Aide malgré lui par le cochon Dominique

Qui manqua d’aller à l’abattoir,

Pour avoir culbute une grande poule noire.

Mais le pire ennemie du roi Nicolas et du pigeon François,

Etait la fille d un loup borgne qui avait échoué à devenir roi.

Cette louve à la voie rauque et à la chevelure blonde

Se faisait passer pour une brebis aux yeux du monde.

Elle répétait comme une litanie:

"Il faut plus de poulets

Pour renvoyer chez eux les animaux étrangers

Sans eux nous serions tellement plus heureux"

Certains moutons l'écoutaient beats:

"Beeee, elle dit tout haut ce que nous pensons tout bas'

Le pigeon François, le roi Nicolas,

l'ours Mélanchon et la taupe Eva

Faisaient de leur mieux pour éradiquer la terrible maladie,

Répandue par la louve déguisée en brebis

Qui avait pour nom haine et démagogie.

Hélas! à 6 mois des élections,

Personne de ne sait encore pour de bon,

Qui de la farce sera le dindon...

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