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livres

Proust : le bal des têtes (1)

Publié le par Eric Bertrand

             Parcourons donc, comme annoncé hier, ces pages si particulières de « la Recherche » qui révèlent un Proust facétieux.

 

             « Au premier moment je ne compris pas pourquoi j'hésitais à reconnaître le maître de maison, les invités, et pourquoi chacun semblait s'être "fait une tête", généralement poudrée et qui les changeait complètement. Le prince avait encore en recevant cet air bonhomme d'un roi de féerie que je lui avais trouvé la première fois mais cette fois, semblant s'être soumis lui-même à l'étiquette qu'il avait imposée à ses invités, il s'était affublé d'une barbe blanche et, traînant à ses pieds, qu'elles alourdissaient, comme des semelles de plomb, semblait avoir assumé de figurer un des "Ages de la Vie".

             Ses moustaches étaient blanches aussi comme s'il restait après elles le gel de la forêt du Petit Poucet. Elles semblaient incommoder sa bouche raidie et, l'effet une fois produit, il aurait dû les enlever. A vrai dire je ne le reconnus qu'à l'aide d'un raisonnement et en concluant de la simple ressemblance de certains traits à une identité de la personne.

             Je ne sais ce que le petit Fezensac avait mis sur sa figure, mais tandis que d'autres avaient blanchi, qui la moitié de leur barbe, qui leurs moustaches seulement, lui, sans s'embarrasser de ces teintures, avait trouvé le moyen de couvrir sa figure de rides, ses sourcils de poils hérissés, tout cela d'ailleurs ne lui seyait pas, son visage faisait l'effet d'être durci, bronzé, solennisé, cela le vieillissait tellement qu'on n'aurait plus dit du tout un jeune homme.

               Je fus bien plus étonné au même moment en entendant appeler duc de Châtellerault un petit vieillard aux moustaches argentées d'ambassadeur dans lequel seul un petit bout de regard resté le même me permit de reconnaître le jeune homme que j'avais rencontré une fois en visite chez Mme de Villeparisis (...) »

               La suite demain !


 

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Questions de mémoire...

Publié le par Eric Bertrand

             Les lecteurs de ce blog savent la place qu’y tient la mémoire et son incontournable choriphée Marcel Proust depuis « Chaussée de la madeleine de Proust », jusqu’à « Pour y voir Clerc » et la fameuse « cassette madeleine »...

             J’ai publié récemment une série d’articles sur un autre ouvrage marqué par la mémoire, « Tigre en papier » en insistant à plusieurs reprises sur son héritage proustien. Vous avez été nombreux à manifester votre curiosité et votre intérêt à propos de cet héritage : c’est la raison pour laquelle je propose à partir de demain une série d’articles qui citeront des extraits du texte de Proust afin de montrer qu’il y a bien de l’un à l’autre ce que les spécialistes appellent « intertextualité ».

             Rappelez-vous le passage sur « le bal des vioques ». Il est la reprise de ce que les lecteurs de « la Recherche du temps perdu » identifient comme « le bal des têtes ». L’écrivain y consacre de nombreuses pages qui soulignent notamment sa vision caricaturale de la condition humaine et en même temps le talent humoristique de Proust... Je ne vous convie pas à une angoissante lecture du spectre du vieillissement mais davantage à un savoureux exercice d’humour.


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La Ferme des animaux (3/3)

Publié le par Eric Bertrand

            Première mesure : l’abolition du système démocratique... l’échange collectif qui se tenait le dimanche à propos des affaires courantes est remplacé par la réunion d’un groupe de cochons qui légifèreront « pour le bien de tous », le principal objectif commun étant bien entendu de mettre tous les animaux à l’abri des assauts de Jones et des hommes. Il va de soi que les cochons oeuvreront dans ce sens et cela suffit à satisfaire les animaux.

            Quand on a le pouvoir, on veut en savourer le luxe. C’est ce que semble indiquer la suite des événements. Napoléon prend toujours plus de libertés par rapport à la législation. Il se vautre dans le lit des anciens maîtres, négocie avec des humains, décrète que les cochons se lèveront plus tard que les autres. Et puis il veut régner en maitre absolu et calomnie Boule de Neige qu’il qualifie de traitre afin de repérer qui sont ceux qui ont soutenu son rival. Ainsi, en diabolisant l’adversaire, il s’assure les pleins pouvoirs et élimine les derniers opposants.

             La fin de règne et la fin de livre consacrent le règne absolu des cochons qui se vautrent dans les privilèges et qui abolissent définitivement les derniers principes édictés à l’origine, maniant toujours le mensonge et la mauvaise foi face à des animaux complètement abêtis, dont pas un seul n’ait échappé au lavage de cerveau orchestré par le pouvoir en place.

              De toute manière, la Mémoire et le Panache qu’incarnait le bon cheval « Malabar » se sont définitivement évanouis lorsque la bête a été envoyé chez l’équarisseur par Napoléon qui avait spécialement, comme il le prétendait, contacté son « vétérinaire personnel ».

 

 

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La Ferme des animaux (2/3)

Publié le par Eric Bertrand

           Transportés par le discours inspiré de Sage l’Ancien, un cochon cultivé et idéaliste, (avatar bien en chair d’un quelconque Lénine), les animaux de la ferme des Jones se révoltent contre le propriétaire et prennent le pouvoir. Place à la société égalitaire et au bonheur pour tous ! Vive les grands idéaux et l’étendard des droits des animaux brandi à la face des oppresseurs !

           Encore faut-il cependant « organiser la société » et, pour cela, les cochons publient une constitution qui comporte des règles simples et évidentes. Qui va administrer ce beau gouvernement ? Du fait qu’ils se présentent comme les éminences grises de la ferme, « obligés de réfléchir davantage » que les autres bêtes, les dits cochons font aussi admettre à tous les animaux qu’ils ont besoin d’une ration de nourriture spéciale. De fait, on les gâte afin que le « Cerveau » fonctionne et que l’Administration tourne rond.

           Mais point trop n’en faut ! Des deux cochons leaders, c’est Boule de neige qui réfléchit le plus, et cette propension à la lecture et à l’encyclopédisme dérange Napoléon au point qu’il dresse des chiens loups pour agresser son rival. C’est par la force répressive qu’il décide de se débarrasser de lui.

           Le terrain est libre désormais pour exercer son pouvoir unique.

           A suivre.


 

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La Ferme des animaux (1/3)

Publié le par Eric Bertrand

         Je faisais récemment allusion à cet ouvrage dans un mail adressé à un ami... Et je lui disais que nos propos me donnaient envie de relire cet ouvrage. C’est chose faite et je propose une série de trois articles à venir.

         Contrairement à ce que décrètent certains élèves qui se réfèrent à de vagues souvenirs de « la ferme se rebelle » et qui ne s’en tiennent qu’aux premières pages, le roman d’Orwell n’est pas une fable pour enfants.

         Le lecteur a entre les mains un ouvrage vibrant d’inquiétude qui s’efforce, par le biais de la farce grossière, de démonter les rouages de tous les régimes totalitaires. Et pas seulement celui auquel on pense d’abord : le stalinisme.

         Notre époque me ramène inlassablement à la littérature critique. Je le répète, j’aime ces ouvrages où les auteurs montrent du doigt le danger de manipulation des pouvoirs politiques. Ces ouvrages qui révèlent l’indignité de ces politiques qui centralisent les décisions et qui écrasent tous ceux qui pensent autrement... Et quand Orwell choisit comme héros des cochons (Boule de Neige et Napoléon), je ne peux m’empêcher de penser à certains lisiers...

          Bref, de quoi est-il question dans ce roman ? On y revient demain...



 

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