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Les phoques en Caithness

Publié le par Bertrand

J’ai annoncé un article sur les phoques, complémentaire à l’article sur la faune sauvage, alors le voilà. Il ne concerne pas directement le Ceilidh, mais on a déjà insisté sur l’importance que joue la nature dans la genèse de l’œuvre. L’Ecosse a toujours été perçu comme un pays au romantisme échevelé, le pays d’Ossian, dont le sol est particulièrement propice à la tourmente et à la tragédie… J’ai déjà annoncé l’article sur le romantisme écossais, décidément, il est mûr ! Mais revenons à nos M……….anchons.
         J’ai, sur le tableau de bord de mon increvable 205 (laquelle peut se targuer d’avoir dans les roues trois allers-retours vers les Highlands !), une figurine argentée de phoque acheté un jour à Dunbar (sud d’Edinburgh) dans une vente de charité (« charity sale », très courant en Grande Bretagne…) C’est un talisman. Un porte-bonheur. Un grigri, comme on veut ! Les Ecossais assurent que croiser un phoque solitaire est signe de bon voyage. Voilà pourquoi il m’accompagne depuis 84.
         Je consacrais à la colonie de phoques de Staxigoe autant de mon temps qu’au château de Girnigoe : quand vous venez de Wick, et que vous vous dirigez vers le nord,  vous sortez de la ville, vous passez par un village du nom de Papigoe, une première crique ouverte sur le large, puis à Staxigoe, petit port. Juste au niveau du sentier qui longe la falaise, immobilisez-vous et scrutez les rochers, en principe, les phoques sont là. Généralement, la tête sort de l’eau. Quand il y a du soleil, ils se hissent sur les rochers et prennent des pauses. Le pelage luit.
         Surtout ne pas se faire remarquer. Approcher en marche commando. Se planquer derrière les anfractuosités. Cesser de respirer. Armer l’appareil photos. Ne pas se prendre les pieds dans les algues… Tel est le jeu auquel je me livrais souvent pour parvenir à les surprendre et sauter au milieu d’eux. Une fois seulement j’y suis parvenu, mais ils m’ont presque bousculé et l’appareil m’est tombé des mains. Les autres fois, ils m’ont toujours repéré avant que je n’arrive à les atteindre. Dés lors ils plongeaient et se mettaient à me surveiller, à me narguer aussi en faisant des cabrioles dans l’eau claire et fraîche.
         Il y a beaucoup de légendes sur les phoques dans la région. On raconte que ce sont des marins disparus en mer, des navigatrices ou des proscrites : à l’issue d’un sortilège, ils ont revêtu cette curieuse carapace qui les protège des rigueurs de la haute mer et du climat. Une simple rencontre avec une jeune femme ou un jeune homme suffirait à leur faire retrouver leur forme première. La nuit, ils (elles) donnent des rendez-vous dans les grottes ! Qu’on se le dise !
         Du reste, les grottes ont des noms engageants : par exemple, « la grotte de la Sirène » qu’évoque Diana pendant la dispute à propos de la bouteille (on sait qu’elle collectionne les bouteilles à la mer, ce qui lui donne un prétexte pour justifier son penchant pour la bouteille !)
 

Diana :Qui est-ce qui, depuis la nuit des temps, s’est crevée à ramasser les bouteilles des naufrageurs ? Vas-y voir un peu dans la Grotte de la Sirène, de l’autre côté de la Baie des Sinclair ! 

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John Sinclair : la part de l'histoire et de la légende dans le ceilidh

Publié le par Bertrand

Vous êtes quelques uns sur ce blog à réclamer « du vrai » et à chercher à déceler, sous la fiction, les traits qui renvoient à la réalité. En dehors de l’autobiographique auquel j’ai fait allusion à plusieurs reprises (et on a vu la petite part qu’il tient dans le Ceilidh), il y a l’Histoire et la tradition locale… Ce que Hugo appelle « de l’histoire écoutée aux portes de la légende »…Hugo qui a joué aussi un rôle important dans cette Ecosse romantique que j’évoque depuis le début de ce blog (Hugo celtique, Ecosse romantique, je leur consacrerai un article prochainement)
         Quoi qu’il en soit, avec ou sans Hugo, si vous allez un jour dans ces contrées de Caithness et de Sutherland, si vous vous intéressez aux vieilles ruines et aux récits qui circulent encore à leur propos, voilà ce que vous pouvez entendre ou trouver auprès des différentes sources ou archives…
         Si l’historien entame des recherches sur les châteaux qui nous intéressent dans cette pièce, il ne sera pas déçu… Surtout en ce qui concerne le château de Girnigoe. Il existe en effet depuis le XIV° siècle et il aurait été érigé sur le site d’un ancien fortin viking… Il est très vite reconnu comme l’une des plus élégantes demeures du nord de l’Ecosse et bénéficie d’un grand prestige. De nombreuses figures y sont associées et notamment celles de la lignée Sinclair dont nous avons déjà évoqué le clan. Luxe, puissance, renommée… Tout n’est pas pour autant édifiant… Temps de violence et de barbarie, conflits de pouvoir, luttes internes, notamment entre les comtes des proches Orcades et les comtes de Caithness. Intrigues de sang et d’or. Histoires d’un alchimiste qui aurait été pendu… Bref, le cadre idéal pour la tragédie ! Maintenant, braquons le projecteur sur un moment particulier… Nous sommes en 1556. Georges, le quatrième comte de Caithness « Earl of Caithness » se voit accorder, par la grâce de sa majesté, la célèbre « Mary, Queen of Scots », la charge héréditaire de Justicier. Cette charge lui confère un droit de vie et de mort sur tous ses sujets : il règne dans le Caithness en monarque absolu.
         C’est à cette époque que se déroulent les faits associés à John Sinclair, son fils, qui fut, d’après la tradition, emprisonné et qui mourut dans le cachot en 1576. Telle est la date que l’on trouve inscrite sur le mur aux côtés de la formule désespérée : « no hope ». A ce récit tragique, s’ajoute celui qui raconte que l’un de ses geôliers, s’étant montré un peu trop compatissant avec John fut pendu par le master, lequel mourut en 1582.
         Tel est le grain que j’ai moulu pour imaginer mes personnages. Nous entrons alors dans le domaine de la création, et là, je revendique une totale liberté. Ce qui entre en jeu n’est en effet plus seulement du domaine de l’Histoire, mais du domaine de l’arrangement littéraire (ainsi, par exemple, ai-je opposé à un père austère et corrompu, un fils tendre et idéaliste, autant que sa fiancée Fiona, exaltée et romantique (voir cet extrait de la scène 4 de l’acte 2)…
 
« D’un côté de la scène, le cachot du château de Girnigoe. Un homme enchaîné au fond. C’est John Sinclair (joué par Max) De l’autre côté de la scène, dans l’ombre jusqu’à la scène 8, le donjon d’Ackergill Tower. Une fille enchaînée : c’est Fiona (jouée par Heather).
 
John : (Il finit de graver un message sur la pierre du cachot puis le lit à voix haute) : « No hope ! »…No hope ! (Son discours oscille entre le cri de rage et l’halètement)  Désespoir !!!Horror ! Horror ! Horror ! Horreur de la nuit et du vent !... Girnigoe ! Girnigoe ! Comme cet endroit m’étouffe désormais ! Moi qui trouvais pourtant si doux de me promener au pied de ce château, domaine des Sinclair. Fiona était avec moi. Nous nous aimions. Nous avions tellement de projets dans nos têtes. J’étais promis à un brillant destin. Le monde était à refaire. Moi, John Sinclair, l’héritier direct, j’avais déjà des partisans prêts à rallier notre cause ! Et me voilà maintenant jeté au cachot ! (Hurlement) Et je subis le châtiment infligé par mon père ! Il m’a enfermé là comme une bête et me nourrit de viande salée ! Le froid me pénètre les os et la soif cruelle m’entaille les lèvres et la gorge comme un couteau ! »
"No hope", cachot de Girnigoe.

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Sorcières de Macbeth : du Tennessee club au Ceilidh

Publié le par Bertrand

Pour achever cette série sur la contribution de Lou, quelques références à des temps forts dans les deux derniers spectacles…
 
         « Le sens supplémentaire apporté par la danse pousse très loin la lecture de la pièce. Comme Eric l’a rappelé avant-hier à la fin de l’article, cette fusion était déjà entière dans la mise en scène de la pièce le Tennessee Club : tout au long de cette pièce, il était intéressant d’assister notamment à l’évolution de trois personnages (« étrangers » au saloon de Tom Desire, « le Tennessee club ») mais dont le destin se nouait dans ses murs : il s’agissait de Blanche (la fille), de Sexy Sissy (la mère) et de Miranda (la tante de Blanche et la sœur de Sissy). Tout d’abord sous le joug de ces deux danseuses qui n’ont plus de succès mais qui vivent dans une illusion passéiste du succès, Blanche prend son essor et à la fin s’affranchit (notamment grâce à Charlie, personnage corrompu !) de cette parenté encombrante et étouffante. La variation de jazz qui referme la pièce montrait justement le décalage entre l’adolescente et les deux parentes, leur volonté de « programmer » la jeune fille (décalage marqué dans un décalage dansé, comme une sorte de « canon » en mouvement !) et son émancipation finale.
         Le thème de cette année m’a lui aussi inspiré, tout comme me sont précieuses les indications scéniques d’Eric ! Aussi, parfois, je divague, je propose des variations tout à fait loufoques qui n’existeront jamais, mais très souvent la première réflexion est la bonne… c’est le cas de « Fuck them all » : j’ai tout de suite associé les sorcières obscènes et dévergondées au texte de la chanson, et puis il y a la mélodie qui donne envie de s’exprimer ! Enfin, lors de l’écriture de la variation, je repense à la façon dont les trois sorcières jouent, au passage même où la danse intervient (c'est-à-dire quand Georges invoque les esprits maléfiques) : il a tout d’abord peur des sorcières, puis il passe un pacte avec elles et se sent « puissant ». A cet instant, Lou lui dit, en se frottant à lui : « Tout comme la femme a besoin de l’homme pour copuler, la sorcière a besoin de l’homme pour briller » (phrase qui joue d’ailleurs sur le double sens puisque c’est Lou qui finalement remporte « le gros lot » et part avec Ronald !). Ainsi, cette variation se composera de mouvements suggestifs et se terminera autour de Georges ! Et puis, tout comme les trois sorcières forment un trio invraisemblable tout au long de la pièce, elles se donnent en quelque sorte la « réplique » lors de leurs deux interventions dansées : il y a à chaque fois une sorte de « rotation infernale », figure du tourbillon tragique (Lou le dit d’ailleurs fort bien quand elle évoque le chaos au début : « les tourbillons sont affamés, le gouffre noir exhibe son nombril ») : sur scène, tout se passe comme si elles étaient sur une zone tournoyante, sur laquelle évolueraient les trois danseuses, et qui les mettrait en valeur chacune à leur tour… pour donner cet effet (puisque la scène restera fixe), elles évolueront en formant un triangle dans lequel chacune son tour elles danseront… »
 
Pour conclure, cédons la place à cette invocation du tourbillon qui laisse la tragédie s’engouffrer sur la scène (nous sommes à l’acte 1 et les sorcières veulent du grabuge !)
 
« Lou : (Elle sent manifestement quelque chose et cela se traduit par un geste solennel et grandiloquent) Levez-vous, tempêtes sur la mer ! L’heure de la tragédie est annoncée !
(Elles se mettent à courir dans tous les sens, interpellant des personnages imaginaires)
Diana : Ouragans sur la lande ! La bruyère agite sa chevelure fauve et la terre se lève sur la mer comme un vaisseau démâté !
Suzy : L’océan hurle sa démence et la falaise et les récifs ont l’œil vers le large ! Ils harponnent les navires, déchiquettent les naufragés !
Lou : Les tourbillons sont affamés. Le gouffre noir exhibe son nombril !
Diana : Les tentacules remontent du fond des abysses et des monstres énormes bavent dans l’écume !
Suzy : Les vieux massifs d’Ecosse se soulèvent et crachent des jets de vapeur pestilentielle. Les créatures affolées errent de tous côtés. »
 

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Théatre et danse : l'esprit des ballets

Publié le par Bertrand

Deuxième temps de la précieuse contribution de Lou, la façon dont elle est venue à l’écriture de ses ballets… comme quoi la sorcière n’occupe pas toujours le rôle du bouffon si cher à Shakespeare !
 
         Il est toujours difficile d’écrire des variations (ou ballets) : le « chorégraphe » a des envies, voit des pas lorsqu’il entend des musiques, mais il ne doit pas oublier de prendre en compte le niveau de ses élèves. Or, justement, cette année, je travaille exclusivement avec des débutants (à l’exception - et elle confirme la règle - de Françoise).
         J’avais commencé à écrire dès le mois de novembre. Mais je me suis arrêtée faute de temps. Et puis, j’ai pris peur : avec à peine 45 minutes de pratique par semaine, il faut se rendre à l’évidence que les pas ne peuvent pas être trop complexes… mais il s’agit de claquettes irlandaises pour l’ensemble du groupe ! Heureusement, au fil des « répétitions », j’ai constaté avec joie que le projet était réalisable ! J’ai donc mis le point final à ce ballet mardi 28/02.
         Tout comme l’écriture de la pièce a nourri l’écriture d’Eric (les mots « s’engendrent » en quelque sorte), les pas ont nourri les pas, les motifs dansés s’invoquent les uns les autres… mais surtout, l’écriture d’Eric a enfanté l’écriture des pas de danse !
Comment travaillons-nous réellement ?
         C’est un « vrai » travail de collaboration qui prend forme dès le début de l’aventure, généralement au mois de juin ! Eric passe à la phase d’écriture de la pièce : il est seul face à lui-même et à ses personnages… parfois il me raconte un peu l’intrigue, mais parfois (et c’est souvent la règle) il attend que tout soit rédigé pour me faire découvrir, à voix haute, sa nouvelle création. A partir de cet instant, nous parlons des personnages (généralement, coexiste avec le texte une présentation des personnages : leurs caractéristiques physiques, leur psychologie, leurs goûts…). Je lis la pièce, je m’en imprègne, et de cette lecture et de nos discussions se dessinent les potentialités en matière d’interventions dansées. Ce que nous cherchons, c’est à faire un peu « comédie musicale » c’est à dire que la danse doit s’intégrer entièrement dans la pièce, et non pas se plaquer aux situations de façon tout à fait gratuite et artificielle.
 
Demain troisième et dernier volet de la contribution… Méditons la formule à propos de Touch Stone dans « As you like it » : « ô fou raisonnable ! » ( et j’adresse un clin d’oeil tout particulier à celle qui interprétait avec tant de brio ce rôle en 97 au sein de ce même atelier…)
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Des balais aux ballets

Publié le par Bertrand

Comme promis dans mon dernier article, je cède le clavier à Lou afin qu’elle nous présente la façon dont elle programme ses interventions non en tant que comédienne (et sorcière !) mais en tant que comédienne (et danseuse !). Nous avons déjà à plusieurs reprises évoqué cette complémentarité entre les arts qui constitue l’un des pôles de l’atelier et l’esprit de ce blog est aussi conçu dans l’idée de partage de l’expérience.
 
« Une fois n’est pas coutume, je prends les rênes de ce blog pour parler des variations dansées !
J’ai fini mardi, après avoir travaillé tout l’après midi, ces différentes interventions. Il y aura donc 3 variations et 1 ballet complet.
E Dans l’acte 1, scène 3, première intervention des 3 sorcières (Diana, Suzy et Lou). Lou invoque les sorcières « il nous faut des chats noirs et des balais » : à cet instant, nous danserons sur la fin du morceau « Avant que l’ombre » de Mylène Farmer (repère 4’56 à la fin) : le passage est très planant, avec une voix qui sourd et se plaint. Cette variation mélangera le jazz et les claquettes américaines.
E Dans l’acte 2, scène 1, les sorcières attendent dans le pub l’arrivée des autres acteurs. Lou s’impatiente : nerveuse, elle a hâte que le temps « avance » afin de pouvoir se retrouver (nous l’apprendrons plus tard) dans les bras de son amant, Ronald. C’est elle qui ouvre la scène : très vite, elle parle de danse et du « tango argentin qui (lui) remonte l’échine de la mémoire ». C’est une « sanguine », elle a du tempérament, et son trop plein de stress, elle va l’évacuer en dansant un tango avec claquettes ! J’ai découvert cette dimension des claquettes l’an passé lors d’un spectacle (sur les pieds !) proposé par Arlette : Alain, technicien du Moulin à Sons, qui joue aussi de l’accordéon, souhaitait que nous parvenions à mettre en place une variation sur un air de tango. Le résultat très inattendu m’a plu… rebelote donc cette année, avec un morceau de Gotam Project (tango « à la sauce » électro : surprenant et génial !).
Dans la scène 3, c’est le début de la soirée du ceilidh. Et comme tout ceilidh qui se respecte, c’est un ballet de claquettes irlandaises qui fait l’ouverture. Ici, ce sont mes « élèves » débutantes en claquettes qui danseront. Afin de faire plus de monde sur scène, les trois sorcières (qui passent leur temps à dire qu’elles aiment danser) se joindront au groupe. Ici, il s’agit d’un morceau gaélique de Run Rig, « De ne mi », qui mêle des instruments de musique traditionnels à des instruments électroniques. Le temps global de danse est de presque 5 minutes (comme d’habitude, j’ai été un peu loin…).
Enfin, dans la scène 7, les sorcières font leur apparition à la demande pressante de Georges Sinclair qui les invoque. Elles dansent sur « Fuck them all » (titre de circonstance… et très jubilatoire à l’image des sorcières !) de Mylène Farmer. La variation purement jazz débute avec le morceau et se poursuit jusqu’à la fin du premier refrain. Sur scène, la variation durera plus longtemps : Arlette a demandé à un chœur de chanter le refrain : celui-ci sera donc repris une fois. »
 
         Voilà donc ce qui concerne la « face technique et musicale ». Voyons demain la façon dont Lou envisage l’implication de ses danseuses dans la logique de la pièce et comment la danse peut apporter autre chose au texte… J’ai par exemple souvenir d’une belle complémentarité dans le spectacle du Tennessee club où le ballet sur « Quelque chose de Tennessee » montrait à sa façon ce qu’éprouvaient les trois chorégraphes.
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