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Dosette de lecture n°163 : Corneille, « L’Illusion comique », derrière le rideau d’étoiles.

Publié le par Eric Bertrand

Comment enchanter son public au point de lui faire confondre l’illusion et la réalité ? En ce siècle baroque où Shakespeare affirme que « le monde entier est un théâtre », le jeune Corneille donne une réponse à travers cette pièce étrange et multiforme.

Pridamant, qui a, du fait de sa sévérité, perdu son fils Clindor, souffre de son absence et cherche à le retrouver ; dans les premières scènes, il discute des pouvoirs merveilleux du magicien Alcandre, qui vit posté dans « une grotte obscure » du fond de laquelle il est capable de produire des miracles… En effet, ce qu’Alcandre propose aussitôt à Pridamant, c’est un « charme », une « illusion », qui permettra au père éploré de revoir son fils disparu. À condition toutefois qu’il sache se tenir silencieux et qu’il assiste sans intervenir au spectacle qu’on va lui proposer. 

La trame de la pièce peut alors se dérouler en abyme : elle met Clindor au cœur d’un conflit amoureux entre le ridicule Matamore (dont il est le valet) et Adraste qui aiment la même femme : Isabelle. Géronte, le père de cette dernière, soutient ce mariage pour des raisons d’alliance, mais, comme son fils, il ignore que Clindor la courtise aussi. Cet imbroglio fait courir un réel danger au fougueux jeune homme, d’autant que la pièce, qui roulait sur le registre de la comédie, bascule peu à peu dans celui de la tragédie.

Mais le spectateur n’oublie pas qu’il est au théâtre et les deux personnages qui, depuis le début, assistaient au spectacle, sont là pour lui rappeler qu’à tout moment, on peut revenir dans le réel, réfléchir et se sentir sinon meilleur, du moins soulagé…

 

Dosette de lecture n°163 : Corneille, « L’Illusion comique », derrière le rideau d’étoiles.

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Dosette de lecture n°162 : Alexandre Dumas : « Le Comte de Mazzara », les hasards de Mazzara.

Publié le par Eric Bertrand

Comment séjourner en Sicile, dans un lieu luxueux, alors qu’on n’a pas le sou ? C’est l’histoire incroyable qui advient au narrateur de ce petit roman, personnage modeste et rêveur qui est invité à Palerme par le comte de Mazzara qui lui ouvre les portes de son palais. Il y vit seul avec sa fille, une magnifique Sicilienne combinant les traits des Sarrasines, des Phéniciennes et des Normandes, peuples qui ont, en leur époque, colonisé la Sicile.

Mais pour quelles raisons les Palermitains se détournent-ils de ce palais et de ce comte de Mazzara ? Dumas explore les tourments de son personnage partagé entre la sidération et l’effroi face à ce pays qui inspire des passions complexes et qui garde l’épaisseur de son mystère comme un volcan endormi capable, à tout moment, de cracher une lave incendiaire.

 

 

Dosette de lecture n°162 : Alexandre Dumas : « Le Comte de Mazzara », les hasards de Mazzara.

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Dosette de lecture n°161 : William Golding : « Sa Majesté des mouches », des mouches qui donnent le bourdon à l’Éden…

Publié le par Eric Bertrand

        Quel beau rêve qu’une île déserte offerte à une troupe d’adolescents naufragés qui se retrouvent là, sans adultes et prêts à refaire le monde ! C’est le scénario qu’imagine William Golding au début de son roman « Sa Majesté des Mouches » à lire comme une fable.

Les enfants sont donc seuls à bord ! Mais « le vert paradis des amours enfantines » rêvé par Baudelaire semble bien loin. En effet, comment cette micro-société de jeunes Robinson à la tête brûlée va-t-elle pouvoir cultiver son jardin d’Éden ? Et surtout, va-t-elle parvenir à échapper à ces mauvaises graines que les adultes lui ont légué en héritage ?

 

Dosette de lecture n°161 : William Golding : « Sa Majesté des mouches », des mouches qui donnent le bourdon à l’Éden…

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Dosette de lecture n°160 : Luis Sepulveda : « Le Vieux qui lisait des romans d’amour. » Les venins de la civilisation.

Publié le par Eric Bertrand

Comment peut-on être à la fois un lecteur de romans d’amour et un grand connaisseur de la jungle amazonienne ? L’auteur de ce roman a passé de nombreuses années en compagnie des Indiens chuars qui vivent dans la forêt en marge de la civilisation et qui en connaissent tous les secrets pour survivre et s’y épanouir, loin des nuisances de l’homme blanc.

Au début de l’histoire, un chasseur blanc est ramené mort au village, le corps mutilé par de nombreuses blessures et « puant la pisse de chat ». Le maire, qui tient un discours de colonialiste accuse immédiatement « les sauvages » de la forêt ; mais « le vieux », Antonio José Bolivar, interprète tout de suite le sens du drame et réoriente les recherches du côté du jaguar que les chasseurs ont forcément provoqué en tuant ses petits.

L’expédition qui est alors menée en compagnie du vieux, donne au lecteur l’accès à une aventure initiatique, à la fois philosophique et écologique dans les profondeurs de la jungle où jouent avec les ténèbres les ouistitis, les serpents crotales, les bêtes fauves, les moustiques envenimés et les silures perroquets dont la force est aveugle et brutale.

Seule une connaissance approfondie du milieu et un respect authentique de la faune et de l’environnement peuvent protéger un homme qui n’a cessé de s’augmenter depuis sa jeunesse et qui possède « l’antidote contre le redoutable venin de la vieillesse » parce qu’il sait lire.

 

Dosette de lecture n°160 : Luis Sepulveda : « Le Vieux qui lisait des romans d’amour. » Les venins de la civilisation.

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Quand Platon voit briller le Capitole...

Publié le par Eric Bertrand

Sous un ciel sans climat, le Soleil (si cher à Platon) brillerait-il plus fort sur le green ou sur la parade ? Enverrait-il mieux ses rayons bienfaisants sur une Palestine réinventée en Riviera ? Fondrait-il davantage les glaces du Groënland ? Fouillerait-il plus profondément les terres rares d’Ukraine ? Réchaufferait-il encore un 51° État d’Amérique et finirait-il même par illuminer le fond des océans ? Au bout du compte, toute la dorure et le faste du Capitole offriraient-ils au "filousophe" déchaîné la lumière qui montre la voie et guide le citoyen d’Athènes vers ces terres qu’il a promises à la paix et à la prospérité ?

Plus de deux millénaires après Socrate et Platon, un soleil plus ardent incendie l’horizon et envoie ses reflets sur les parois de la légendaire caverne ; mais le vrai philosophe se méfie des nouveaux outils de projection et cherche toujours à réveiller ceux qui sont enchainés au fond de la caverne. Il les avertit contre les ombres qu’ils prennent à tort pour « la Vérité ». Il les met en garde contre les gesticulations et les manipulations de l’opinion. Il leur demande de rejeter ces livres faux qu’une main ignorante, ennemie de la Connaissance et de la Science a purgé de son vocabulaire et de sa substance.

Emporté par la frénésie du pouvoir, les anciens oligarques ont jadis réussi à faire enfermer le maître de la maïeutique parce qu’ils lui reprochaient de corrompre la jeunesse et de tenir des discours en faveur de la démocratie et de l’éveil. Éclairés par les nouvelles technologies, leurs descendants n’ont aucun scrupule à traiter de cette façon ceux qui, au nom de la Raison, de la Liberté et de la Lumière, osent couper leurs liens et se hisser hors de la caverne.

 

Quand Platon voit briller le Capitole...

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