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Dosette de lecture n°153 : Louis Guilloux, « Le Sang noir ». La joyeuse fanfare des sorciers...

Publié le par Eric Bertrand

          Comment, en temps de guerre, éviter l’hystérie et la fanfare de « la musique qui marche au pas » lorsque les dirigeants des pays belligérants augmentent les fracas de la grosse caisse ? Même le sacré est avalé par cet appétit de bruit et de fureur qui prend souvent l’excuse de Dieu pour écraser l’adversaire. Voltaire, en son temps, écrivait qu’après la bataille, « chaque camp faisait chanter des Te deum » et, plus proche de nous, David Diop, dans son terrible récit : « Frère d’âme » écrit : « C’est ça, la guerre, quand Dieu est en retard sur la musique des hommes ». 
          Dans le beau roman de Louis Guilloux, on est en 17 et le surnommé Cripure, personnage principal, n’est pas sur le front et continue d’enseigner et de méditer dans sa petite ville de province. Pour résister à la folie ambiante et à la mécanique de l’absurde qui s’emballe autour de lui, il manie à sa façon l’arme de l’ironie, même si elle se dissimule derrière les plis de son manteau ridicule, de son ventre bien bombé, de « ses longs pieds de gugusse » et surtout de sa pensée à contre-courant qui suscite la rage et les quolibets des patriotes.
          Aux yeux de l’auteur, tous les moyens sont bons pour échapper à la pantomime qu’orchestrent toujours les despotes, engoncés sous leur manteau cramoisi, surtout lorsqu’ils agitent la baguette de sorcier de la désinformation et de l’éducation alternative.


 

Dosette de lecture n°153 : Louis Guilloux, « Le Sang noir ». La joyeuse fanfare des sorciers...

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Jean Valjean à St Pierre et Miquelon ?

Publié le par Eric Bertrand

           Parmi les grands héros de la littérature, j’ai toujours admiré Jean Valjean, coupable, au-début des Misérables, d’avoir volé un pain. Pour cela, il est condamné à 19 ans de bagne, non pas à St Pierre et Miquelon, mais à Toulon. L’histoire raconte son douloureux combat entre ombre et lumière grâce à l’intervention de l’évêque Monseigneur Myriel qui le mène sur le chemin de la rédemption. 
           Certains politiques qui ne volent pas que des pains, sont-ils capables eux aussi de racheter leur âme à la manière de Jean Valjean ?

 

Jean Valjean à St Pierre et Miquelon ?

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Dosette de lecture n°152 : Gabriel Garcia Marques, « Cent ans de solitude » : la mécanique entêtée de l’Histoire.

Publié le par Eric Bertrand

            Et si, dans une contrée lointaine, par exemple en Colombie, au-delà de sentiers bourbeux, de marais et de montagnes infranchissables, une petite communauté s’installait loin de la folie du monde afin de reconstruire un monde ? Échapperait-elle pour autant aux tourments de l’Histoire ? 

            C’est un peu dans ce sens qu’on peut lire le foisonnant roman de Garcia Marques qui raconte la transformation du village de Macondo au fil des générations. Les habitants suivent le fondateur, Jose Arcadio Buendia qui, fasciné, s’associe à l’immortel Melquiades, Bohémien magnifique, à la fois sorcier et homme de science. Grâce à cet homme d’un autre monde accompagné de sa mystique tribu, José Arcadio découvre l’alchimie, la loupe, le daguerréotype et continue de s’interroger sur l’univers qui l’entoure et sur Dieu dont il voudrait capter l’image. 
            Du fond de son atelier, il ne voit pas que le monde change, que la mécanisation remplace la nature, chasse les oiseaux, les arbres, les fontaines, les créatures graciles et le sommeil. L’administration, la religion, les discriminations diverses et les intérêts personnels prennent peu à peu les commandes dans le village tandis que les générations se succèdent et que l’Histoire commence à creuser son sillon.


 

Dosette de lecture n°152 : Gabriel Garcia Marques, « Cent ans de solitude » : la mécanique entêtée de l’Histoire.

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Nouvel album de Julien Clerc : "Une vie" et ce n'est pas rien !

Publié le par Eric Bertrand

           « Si le temps passe, laisse-le partir où il veut ». Aujourd’hui, c’est le printemps, l’amour est encore en chantier et il y a des oiseaux dans les arbres … 
            Tous les faubourgs de Carthage vont résonner du son de sa voix. Sur tous les zincs mouillés, dans ces pays où le ciel livre des tonnes d’envies et de regrets, au fond des marécages, parmi les menhirs et les landes, les fougères et les bruyères, nous sommes nombreux à caravaner jusqu’au pied de la colline, sur le sentier escarpé et sur la piste des savanes, sur le sable brûlant, la neige des glaciers, à patiner après le grand lac gelé de l’hiver, à traverser les plaines, à aller boire aux fontaines, à nous presser sur la véranda ou sur le parvis pour capter les échos du dernier Juju, « une vie », notre nouveau big bang.
« Une vie » … Quel beau titre ! 
             Lui qui a toujours voulu être utile à vivre et à rêver… Sinon, à quoi sert une chanson ? De l’Ukraine à la Russie, il a fait un pont de sa vie et si bien chanté dans cette langue ancienne (qu’on voudrait hélas massacrer) et avec tous ces mots qui dansent ou qui voyagent incognito, ces mots d’ailleurs qui devraient enfin mettre les empires à l’abri des combats. 
            Julien a si bien accompagné nos vies et peint tant de tableaux comme peignait Pablo… Ça a commencé comme un rêve d’enfant, depuis la Californie et les dentelles fraîches de nos grands mouchoirs, à cette époque où nous étions juste comme des enfants, crinières de teenagers, enfants au walkman, ciel de cellophane. La vie se promenait sous la soie, la toile ou le velours. On avait tous vingt ans, c’était le bon temps. Et puis, poussés au dos par un grand vent, jusque bien au-delà de l’an 2000, on s’est moqué de ces gamines qui faisaient des trous dans leurs blue-jeans, pendant que les années rapiéçaient les cœurs qu’elles nous laissaient en lambeaux. Parfois gais, parfois tristes, ce sont les choses du temps qui ont fait nos tempéraments. Les années glissent et glisseront, elles s’en vont comme les bateaux… 
Et si le temps passe à pas de géant, Julien n’a jamais été un vieux crooner, un bison assis, un éléphant déjà vieux, une charpie de chapka ; il a laissé l’eau lisser son front car il sait que quand bateau pressé, capitaine pas bon. Du haut de son phare des Vagabondes ou là-bas vers Ouessant, il continue de nous emmener avec lui dans son cirage et dans son sillage, heureux comme un marin qui nage, comme un homme qui a nagé, nagé et qui tend vers nous, une échelle de rêve.

           Si on chantait…


 

Julien Clerc ; variétés françaises

Julien Clerc ; variétés françaises

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Dosette de lecture n°151 : Eddy L. Harris : « Confession américaine ». La fureur du rhinocéros doré.

Publié le par Eric Bertrand

           Quelle est notre part de responsabilité « dans la transformation de la « ville brillante sur la colline » (ville jadis fallacieusement promise par Ronald Reagan) en merdier plaqué or et puant sur un tas de conneries ? »
           Dans son essai sur l’Amérique d’aujourd’hui, l’écrivain Eddy Harris qui vit depuis de nombreuses années en Charente et que j’ai eu un jour le plaisir de rencontrer alors qu’il présentait aux élèves son récit sur la descente du Mississipi en canoé (« Mississipi Solo ») s’interroge sur l’état de son pays malheureusement tombé dans les pattes de celui qu’il qualifie de « veau d’or » ou « d’ange exterminateur ».
            La chute est brutale mais elle n’est pas nouvelle et l’auteur remonte jusqu’aux années de son enfance pour expliquer comment dans ce pays, comme les autres Américains, il a lui aussi été « mené en bateau ». Balloté dans tous les sens, trompé par les mensonges d’une « nation sous l’autorité de Dieu indivisible avec la liberté et la justice pour tous », tout petit, il se sentait pourtant prêt à « viser les étoiles » comme on le lui enseignait à l’école. Il a longtemps cru en la prophétie de Martin Luther King et en l’élection d’Obama qui semblait pouvoir abolir le persistant écart entre noir et Américain, riche et pauvre, catholique et protestant... 
             Mais au bout du compte, le « Messie », malgré sa venue, n’a fait qu’ouvrir la voie à « l’ange exterminateur » et, fatalement, « après avoir été avec Obama sur la montagne Martin Luther King », il a fallu redescendre « pour retrouver l’idole ». Trump est l’incarnation d’un nouveau type de rhinocéros tel que Ionesco n’en aurait pas rêvé et qui, arrogant et cramoisi, vitupère quelque part à Wall Street, sous la forme de « la statue d’un énorme taureau doré ». 

Dosette de lecture n°151 : Eddy L. Harris : « Confession américaine ». La fureur du rhinocéros doré.

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