Dosette de lecture n°153 : Louis Guilloux, « Le Sang noir ». La joyeuse fanfare des sorciers...
Comment, en temps de guerre, éviter l’hystérie et la fanfare de « la musique qui marche au pas » lorsque les dirigeants des pays belligérants augmentent les fracas de la grosse caisse ? Même le sacré est avalé par cet appétit de bruit et de fureur qui prend souvent l’excuse de Dieu pour écraser l’adversaire. Voltaire, en son temps, écrivait qu’après la bataille, « chaque camp faisait chanter des Te deum » et, plus proche de nous, David Diop, dans son terrible récit : « Frère d’âme » écrit : « C’est ça, la guerre, quand Dieu est en retard sur la musique des hommes ».
Dans le beau roman de Louis Guilloux, on est en 17 et le surnommé Cripure, personnage principal, n’est pas sur le front et continue d’enseigner et de méditer dans sa petite ville de province. Pour résister à la folie ambiante et à la mécanique de l’absurde qui s’emballe autour de lui, il manie à sa façon l’arme de l’ironie, même si elle se dissimule derrière les plis de son manteau ridicule, de son ventre bien bombé, de « ses longs pieds de gugusse » et surtout de sa pensée à contre-courant qui suscite la rage et les quolibets des patriotes.
Aux yeux de l’auteur, tous les moyens sont bons pour échapper à la pantomime qu’orchestrent toujours les despotes, engoncés sous leur manteau cramoisi, surtout lorsqu’ils agitent la baguette de sorcier de la désinformation et de l’éducation alternative.