Dosette de lecture n°163 : Corneille, « L’Illusion comique », derrière le rideau d’étoiles.
Comment enchanter son public au point de lui faire confondre l’illusion et la réalité ? En ce siècle baroque où Shakespeare affirme que « le monde entier est un théâtre », le jeune Corneille donne une réponse à travers cette pièce étrange et multiforme.
Pridamant, qui a, du fait de sa sévérité, perdu son fils Clindor, souffre de son absence et cherche à le retrouver ; dans les premières scènes, il discute des pouvoirs merveilleux du magicien Alcandre, qui vit posté dans « une grotte obscure » du fond de laquelle il est capable de produire des miracles… En effet, ce qu’Alcandre propose aussitôt à Pridamant, c’est un « charme », une « illusion », qui permettra au père éploré de revoir son fils disparu. À condition toutefois qu’il sache se tenir silencieux et qu’il assiste sans intervenir au spectacle qu’on va lui proposer.
La trame de la pièce peut alors se dérouler en abyme : elle met Clindor au cœur d’un conflit amoureux entre le ridicule Matamore (dont il est le valet) et Adraste qui aiment la même femme : Isabelle. Géronte, le père de cette dernière, soutient ce mariage pour des raisons d’alliance, mais, comme son fils, il ignore que Clindor la courtise aussi. Cet imbroglio fait courir un réel danger au fougueux jeune homme, d’autant que la pièce, qui roulait sur le registre de la comédie, bascule peu à peu dans celui de la tragédie.
Mais le spectateur n’oublie pas qu’il est au théâtre et les deux personnages qui, depuis le début, assistaient au spectacle, sont là pour lui rappeler qu’à tout moment, on peut revenir dans le réel, réfléchir et se sentir sinon meilleur, du moins soulagé…