« Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré » (Proust)
Où lisez-vous ? Quel endroit choisissez-vous pour vous abandonner à cette relation si particulière entre le livre et vous ? Un livre est un passeport, il vous accompagne partout où vous l’emmenez et il est capable de rouler avec vous dans les endroits les plus conventionnels ou les plus insolites. Je dis « rouler » car il vous oblige parfois à des contorsions pour parvenir à mettre les lignes que vous lisez en phase avec vos yeux. Dans ses « plaisirs minuscules » dont il a le secret, Philippe Delerm évoque l’incommode activité de la lecture sur la plage : (« Lire sur la plage », La Première Gorgée de bière ») et, dans ses « Journées de lecture », et, moins à l’aise avec son physique, Proust se revoit, assis « sur une chaise, près du petit feu de bois ». Chez l’un et l’autre, l’envie est la même mais l’expérience de la durée n’est pas identique et l’inconfort de la plage vient mettre son grain de sel. Comme le caméléon, le livre est capable de se fondre dans un milieu, un paysage, d’épouser une couleur, de capter une odeur. Et quand vous repensez au contenu de ce livre, il est indissociable de la matière dans laquelle il a « levé ».
Ces questions de la « position » du lecteur et de la « matière associée » m’ont beaucoup intéressé dans mon roman. J’ai aussi eu recours au regard des peintres sur les lecteurs afin de mettre en scène mes personnages. À ce stade, j’ai trouvé dans « Une Histoire de la lecture » de l’excellent Alberto Manguei d’autres pistes relevant du comportement des lecteurs au fil des siècles et des représentations. Mais je ne fais pas comme lui une étude poussée du phénomène, ce qui m’intéresse, c’est de glisser à l’intérieur de la narration ce témoignage de l’attachement aux livres et ce mélange d’attirance ou de répulsion. Et vous, où et dans quelles positions lisez-vous ?
La semaine prochaine, je reviens sur quelques-uns de ces témoignages.
PS : je rajoute à cette chronique les nouvelles de la progression de mon roman : les choses s’accélèrent. Je l’ai envoyé fin octobre chez l’éditeur, j’ai eu accord du comité de lecture et le contrat a été signé. À l’aide des indications de la correctrice qui s’occupe du manuscrit, je procède à une ultime relecture et correction (il y a eu peut-être déjà dix relectures depuis que je l’ai terminé en mai dernier, mais, en même temps que l’élaboration du contenu, le soin du style est essentiel.)