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Dosette de lecture n°140 : John Muir : « Quinze cents kilomètres à pied à travers l’Amérique », l’insatiable prospection.

Publié le par Eric Bertrand

Comment aller à la rencontre de la nature sauvage ? Il y a plusieurs modèles littéraires, dont l’un des plus anciens est celui que donne Rousseau qui se constituait un herbier au cours de ses « Rêveries du promeneur solitaire » ou celui de Darwin qui part sur le Beagle pour un tour du monde dédié à l’observation ; je pense également, bien évidemment, à l’un de mes auteurs favoris, Jack London et à son « Wild », ou, plus contemporain, à Sylvain Tesson et à ses défis aux « chemins noirs », à « la panthère des neiges », aux « fées » d’Écosse ou encore aux « forêts de Sibérie » … Mais il y a aussi quelqu’un qui m’est cher car je l’ai rencontré très tôt, sur sa terre d’Écosse, à Dunbar. Il s’agit de John Muir, l’homme qui, émigrant en Amérique avec ses parents a plus tard créé les grands parcs de Yosemite et de Yellowstone. L’écrivain Alexi Jenni lui consacre un bel essai : « J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond ».
John Muir est un marcheur insatiable. Il prend note de tout ce qu’il observe et dans ce livre, il raconte comment, de l’État d’Indiana, il descend vers le sud jusqu’en Floride avec, pour but unique, celui d’observer la nature autour de lui et d’identifier des variétés nouvelles de fleurs, de plantes et d’arbres. Son récit est ponctué d’anecdotes relatives à ce pays encore marqué par la guerre de Sécession et les nouvelles lois sur l’esclavage, aussi, les habitants des contrées qu’il traverse sont-ils souvent méfiants face à ce vagabond dont ils ne savent rien.
Il raconte par exemple que, pour obtenir une nuit dans une grange, il est obligé d’étaler toute sa science de botaniste face à un fermier qui le soumet à un questionnaire très pointu. Mais faisons-lui confiance, rien de ce qui est vivant n’échappe à cet homme qui nous parle par exemple d’un palmier de la façon suivante : « On nous dit que les plantes sont des créatures périssables, dépourvues d’âme et que seul l’homme est immortel, etc. (…) Ce palmier-là était impressionnant au-delà des mots et il m’a dit des choses plus importantes que je n’en ai jamais entendu d’un prêtre de l’espèce humaine. »
Son regard sur la biodiversité est particulièrement moderne : « Pourquoi l’homme se considèrerait-il autrement que comme une petite partie du grand Tout de la création ? Sans l’homme, l’univers serait incomplet ; mais il le serait également sans la plus petite créature trans-microscopique vivant hors de la portée de nos yeux et de notre savoir présomptueux. » Ce qui guide l’énergie vitale de ce voyageur, c’est son infinie curiosité face au monde vivant et aux espaces potentiels à examiner, comme le fond de la mer où, nous confie-t-il à l’occasion de son trajet en goélette entre Cuba et New York, il aimerait se plonger afin d’en observer les mille et unes richesses.  

 

Dosette de lecture n°140 : John Muir : « Quinze cents kilomètres à pied à travers l’Amérique », l’insatiable prospection.

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Dans l’atelier d’un livre, Épisode 9 : des livres qui comptent

Publié le par Eric Bertrand

               Pour en finir avec l’IA, à la suite de mon dernier article, une lectrice écrit fort justement à son propos : « Que ce soit à travers le verbe ou l’image… notre sensibilité d’humain fera toujours la différence pour peu que notre cœur soit relié au cerveau et inversement. Parce que nous sommes capables de sentiments et de discernement ce à quoi nous éduque « aussi » la lecture et le lien qui se crée ou non avec les auteurs. » Et il est sûr en effet, par exemple, que l’IA ne saurait répondre avec sincérité à la question suivante inspirée du questionnaire de Proust : quel livre emporteriez-vous avec vous sur une île déserte ?

               Pas si facile de trancher ! On a, avec les livres, vécu des expériences fortes et particulières associées à un contexte, une situation, un paysage, un état d’âme. Et on ne peut pas renier l’un au profit de l’autre sous prétexte que sa lecture nous en est plus proche dans le temps. De fait, on aurait presque envie d’en relire certains pour les redécouvrir avec le recul et le regard de la maturation (qui pourrait aussi éliminer le premier émerveillement…) Alors, dites-moi, quelle serait votre réponse ? Je vous donne droit à deux ouvrages si la question vous paraît trop dure. Ça m’intéresse.
                Quant à moi, je n’y réponds pas ! Mais, dans ce livre sur le livre, il était naturel qu’apparaissent des titres et des extraits de ces grands textes qui balancent leur ombre au-dessus des apprentis sorciers de l’IA. Comme c’est souvent le cas dans la fiction, le romancier disperse les indices. Certains de ces « grands textes » pourraient bien constituer une réponse de ma part… Au fil du récit en tout cas, ils prennent une signification particulière dans le contexte qui les porte et dans la conscience du personnage qui s’y rattache. En guise d’illustration, en même temps que quelques titres, je donne à relire quelques extraits ; au lecteur de comprendre pourquoi ils ont logiquement trouvé leur place.  Flaubert, Madame Bovary ; Maupassant, Une Vie, Giono ; Regain, Rousseau, Les Confessions ; Jack London, Martin Eden ; Rimbaud, Poésies ; Sade, La Philosophie dans le boudoir ; Primo Lévi, Si c’est un homme ; Defoe, Robinson Crusoé…
              La semaine prochaine, je me lance et je réponds à la question de Proust et je justifie mon choix.
              Et vous ? Si vous me proposez un titre, essayez de vous justifier !

 

 

Lecture ; roman ; lire

Lecture ; roman ; lire

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Dosette de lecture n°139 : Philippe Collin : « Le Barman du Ritz », À la table tournante d’un Ritz de cristal

Publié le par Eric Bertrand

           De quelle façon peut-on, sous l’Occupation, « épater les Boches » quand on est « deux Juifs pris au piège » dans le Ritz ? C’est la question que se pose l’auteur en observant avec beaucoup d’attention le savoir-faire du barman, Franz Meier et de son souple et furtif apprenti, Luciano ; la réponse semble être dans cette formule de légionnaire qui agit sur eux comme un mantra : « Trouve le chemin entre deux lignes, bouge, rampe, crapahute ! » Et pour cela, il n’y a qu’une règle : « ôter les gants blancs et se salir les mains. »
           Dans l’air contaminé par la montée irrésistible de la peste brune, grisés par les vapeurs du gin, du whisky, des vins et des champagnes grands crus, étourdis par les cocktails concoctés spécialement pour chaque client, les officiers allemands attirés comme des mouches, les délateurs de tout poil, les corbeaux, bref tout « un essaim de frelons » viennent se brûler les ailes au comptoir du Ritz. Comme l’affirme un autre bourdon prestigieux, le tortueux écrivain Junger qui, à cette période, se pique d’entomologie, « On apprend beaucoup des hommes en observant les insectes ». Fort de son talent et de sa réputation, le vibrant barman laisse flotter son filet au-dessus de la ruche et regrette, en son for intérieur sa période légère et euphorique à New York, quand il était ami avec de fameux noceurs. Une photo de Scott Fitzgerald trône d’ailleurs au-dessus de son bar. Tendre est la nuit !
             Entre 1940 et 1944, de plus en plus figé à son comptoir, englué, emmiellé, tel « un châtelain » au sein d’un « palais de conte de fée », il fait tourner ces « Petits verres du secret » qui le mettent au centre d’une bourdonnante arène où les joueurs multiplient les atouts et posent sur la table vérités et mensonges, vice et convoitise, fantaisies et bravades au risque de tout faire voler en éclats.

 

 

Dosette de lecture n°139 : Philippe Collin : « Le Barman du Ritz », À la table tournante d’un Ritz de cristal

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Dans l’atelier d’un livre, épisode 8 : le défi de l’intelligence artificielle

Publié le par Eric Bertrand

          Et tout d’abord, je vous présente tous mes vœux de santé et de bonheur et des heures de lecture délicieuses, loin des tracasseries et de la furie du monde…
 
           Partons simplement de l’idée que la lecture est une citadelle inexpugnable, un repère et une balise du cerveau qui, pour reprendre les termes qu’emploie le neuroscientifique Raphaël Gaillard dans son essai « L’Homme augmenté », offre justement à l’homme l’occasion de se protéger et même de « s’augmenter » en sollicitant toujours davantage les zones sensibles de sa conscience. « Un livre, de plomb ou de papier, c’est déjà une annexe de notre cerveau, une prothèse cérébrale, un hors-de-soi que nous acceptons de partager et qui en retour nous transforme. »
             Mais prenons garde à ne pas céder du terrain car la concurrence est rude ces temps-ci et la lecture n’est plus le propre de l’homme ! En effet, si l’intelligence artificielle est à ce point en mesure de se développer, c’est avant tout parce qu’elle se nourrit de ce qu’on lui donne à lire.
             On voit tout de suite le défi qui se pose. Cette curieuse insatiable a si bien accaparé le langage qu’elle s’y est accoutumée. Par conséquent, elle semble en mesure de faire concurrence aux meilleurs des lecteurs. Les surpasse-t-elle pour autant ? Et quelles sont ses limites ? Quel territoire de la lecture ne peut-elle pas encore conquérir ? Et si, d’aventure, elle se pique d’écrire, parviendra-t-elle à séduire son lecteur au point de l’aliéner ?
              Sommes-nous à ce point démunis et les livres ne peuvent-ils pas nous protéger ? Les livres constituent d’abord des réserves intarissables de mots variés et charnus, et ces signes linguistiques qui nous arrivent les premiers à l’hémisphère gauche du cerveau sont aussitôt décryptés puis épluchés avant d’infuser en nous. Exploitons-en la richesse.

              La semaine prochaine, je reviendrai sur quelques-uns de ces ouvrages qui pèsent dans la conscience de mes personnages et qui garantissent leur préservation.
PS : « Lire et pâlir à sa vue » est en bonne voie, vous pouvez aujourd’hui découvrir la couverture et la quatrième via le lien suivant : https://ericbertrand-auteur.net/En-cours-creation-parution.htm

 

Dans l’atelier d’un livre, épisode 8 : le défi de l’intelligence artificielle

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Dosette de lecture n°138 : H.G Wells : « La Machine à explorer le temps » Un homme augmenté ?

Publié le par Eric Bertrand

            Que deviendra l’homme dans les siècles à venir ? L’esclave des machines ? La victime aux abois des dictatures ? Un spectre sur la pellicule du temps ? Une voix inarticulée sur fond de bruit et de fureur ? C’est une question qu’on est en droit de se poser en ce début d’année, après un quart de XXI° siècle…
            La vision que les grands romans de science-fiction du XX° siècle donnent de l’espèce humaine n’est pas réjouissante et, à bord d’une machine que ne renierait pas Elon Musk, le voyageur dans le temps que Wells met en scène est confronté, lors de l’une de ses escales dans l’avenir, à une humanité bien falote et dont le rayonnement a perdu tout éclat.

 

 

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