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Bateaux ivres au Vendée Globe

Publié le par Eric Bertrand

J’ai pris en pleine figure hier soir, en quittant la maison, une première vague d’émotion ; j’ai laissé derrière moi, mes enfants « accroupis, pleins de tristesse, lâchant » dans la baignoire où ils ont coutume de s’amuser « un bateau frêle comme un papillon de mai ». Me voilà à présent qui marche aux Sables d’Olonne, après une nuit d’ivresse arrosée au « wasserfall blond ». C’est un peu avant l’aube, pas vraiment celle d’été !
J’avance doucement vers mon bateau, et « les camps d’ombre ne quittent pas la route ». Dans « les haleines vives et tièdes », je sais déjà que je vais « lever une à une les voiles. » Du « sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, » j’entends un peu de « la clameur » de tous les « Peaux-Rouges criards » massés autour des pontons… Les journalistes et le public « échevelés agitent les bras et courent comme des mendiants sur les quais » du rêve de liberté et de pleine mer.
Moi, « dans les clapotements furieux des marées », j’attends « l’aube exaltée, l’éveil maritime, le poème de la mer, les ardents entonnoirs, infusés d’astres, l’azur vert, les bleuités, le soleil d’argent, les flots nacreux, le rutilement du jour, les houles et les ressacs et les gouffres cataractant. » Mais je crains qu’avant mon retour, « ma quille n’éclate », que je n’aie plus de phrases, plus de gorge, ni de langue, ni de muscles pour parler du grand océan.
Face à cet immense horizon ouvert, j’ai l’air impassible et je ne trouve, devant les micros, les « millions d’oiseaux d’or » qui brillent dans les yeux des badauds, que des formules apprises, qu’un pot au noir de mots creux, parce que la perspective de l’aventure en mer « disperse à l’avance gouvernails et grappins », parce que je suis à mon tour, sans le savoir vraiment, un « bateau ivre » comme celui de Rimbaud qui, sans avoir pourtant couru le Vendée Globe ni même avoir jamais vu la mer « pressentait déjà la voile ».

 

Vendée Globe ; Rimbaud

Vendée Globe ; Rimbaud

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Dosette de lecture n°130 : Barbey d’Aurevilly : « L’Ensorcelée ». Le diable est au clocher

Publié le par Eric Bertrand

           Quel impact le paysage du Cotentin a-t-il sur la création d’un univers romanesque ? Cette belle région du nord-ouest qui ressemble par ses landes et sa côte découpée à la Bretagne et à l’Écosse dont il la rapproche souvent constitue l’un des attraits des romans de Barbey. « Qui ne sait le charme des landes ? Elles sont comme les lambeaux, laissés sur le sol, d’une poésie primitive et sauvage que la main et la herse de l’homme ont déchirée. »
           Les personnages qui hantent ces lieux semblent sortis tout droit des landes de Walter Scott ou de « Macbeth » que l’auteur admirait, lui qui écrit à propos de son roman : « J’ai tâché de faire du Shakespeare dans un fossé du Cotentin ». Et dans ces contrées sauvages et désertées du XIX° siècle romantique, le lecteur croise des pâtres sorciers, dotés de pouvoirs diaboliques, une vieille femme qui a le don de lire dans l’avenir, et un ancien chouan devenu prêtre, l’abbé de la Croix-Jugan, naguères torturé par les Bleus et dont le visage labouré inspire à l’aristocrate Jeanne Le Hardouay « Un amour à monter dans le clocher quand il brûle ».

 

 

Dosette de lecture n°130 : Barbey d’Aurevilly : « L’Ensorcelée ». Le diable est au clocher

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Chanter « la Californie » avec Julien Clerc ou Joe Dassin au risque d’être trumpés...

Publié le par Eric Bertrand

Trump ; Amérique ; Julien Clerc

Trump ; Amérique ; Julien Clerc

« La Californie est une frontière entre mer et terre, le désert et la vie … »
         Il y a toujours eu dans les chansons de Julien Clerc et de tant d’autres une part de rêve et de méfiance à propos de l’Amérique. Rappelle-toi la troupe de « Hair » à Broadway… « Je vois ma vie se projeter dans l’espace… Au bout de l’Atlantique, je suis un génie, génie ».
À dix-sept ans, bien avant d’aller « taper la route », toi aussi, tu te projetais ! Tu te laissais pousser des bouclettes et tu portais chèche dans le cou, sac sur le dos et guitare au côté. Tu commençais à faire de l’auto-stop et tu réclamais le « pouvoir des fleurs ». Tu lisais Jack London et rêvais à l’Amérique des chercheurs d’or, des « Vagabonds du rail » et de « l’Appel sauvage ». Tu étais un loup de liberté, de désir et d’envie. Tu avais le croc blanc de convoitise et tu rêvais de Californie : « La Californie est une frontière entre mer et terre, le désert et la vie »
        Mais à cette époque, tu étais encore un lycée, pas assez Rolo pour être baroudeur. Alors tu regardais ce jeune chanteur aux cheveux bouclés à qui tu t’identifiais de plus en plus et dont tu retenais par cœur les meilleurs des couplets écrits par Maurice Vallet et par Etienne Roda-Gil : « Les chercheurs ont laissé leurs pioches et leurs tamis, l’or étant devenu sourd à leur triste folie… » Les horizons s’ouvraient, tu écoutais Scott Mackenzie, Mamas and papas et Supertramp ; tu voulais troquer ton appareil dentaire contre l’harmonica de Bob Dylan et, sur la route, devenir « caravanier » avec « des cheveux bien trop longs pour la région, et une chemise dont les trous rêvent de te suivre un peu partout ».
Tout au long de la « country road » de Johnny Cash et de John Denver, du côté du Tennessee, ou au bout de la route 66 chère aussi à Johnny et à Eddy Mitchell, il y avait la poésie des « clochards célestes » et les pages du tapuscrit de Jack Kérouac. Tu voyais ta vie « se projeter dans l’espace » et tu te récitais du Rimbaud et du Walt Whitman : « À pied, le cœur léger, je prends la grand-route, bien portant, dégagé, le monde devant moi, devant moi le long chemin poudreux conduisant où je veux… »

Aujourd’hui, tu fermes les yeux, tu penses aux « Indiens bleus, aux lianes enchevêtrées », aux peuples « réfugiés », aux « hommes qui ont nagé » pour atteindre à « cette terre qu’il faudra bien un jour partager » … « Les palétuviers dorment sous le vent, la cannelle fauve embaume ton temps » et tu nous sens « Pétrifiés dans nos manteaux d’hiver, refoulés aux frontières du mensonge… Tués par des rêves chimériques, écrasés de certitude, dans un monde glacé de solitude… »
Dans cette Amérique frappée par le changement climatique où, à chaque été, les incendies embrasent les forêts et renversent les grands séquoias, où les cyclones défoncent les murs et les barrières, dans cette Amérique siliconée qui rêve de fusées et de bitcoins, quel est donc le président, « le prince charmant près des orangers » qui osera chanter encore « la chanson de l’Eldorado » ?  

 

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Dosette de lecture n°129 : Aragon : « Aurélien ». Lorsque Racine « chante dans la vie » d’un rescapé de la guerre de 14

Publié le par Eric Bertrand

Quelles blessures un jeune homme qui a connu à 18 ans l’enfer des tranchées porte-t-il en lui lorsqu’il revient à la vie parisienne et légère des années 20 ? C’est dans un Paris de la galanterie et du dilettantisme où l’art et l’ennui tiennent une grande place que le héros désabusé de ce roman rencontre une femme mariée, Bérénice Morel.  Son charme étrange et inattendu finit par le captiver. Elle porte le prénom de la Reine égyptienne qu’aime l’empereur Titus dans la pièce de Racine. Ce simple détail contribue à envelopper Aurélien dans la draperie d’une passion dévorante. De son côté, la jeune provinciale en séjour pour quelques semaines dans la capitale idéalise leur relation au point d’imposer une distance et un frein à l’urgence de leur désir.

Pendant plus de vingt ans, les deux amants ne se revoient pas et chacun vit sa vie de son côté, même si la mémoire subsiste ainsi que le récit hagiographique de leur rencontre à Paris. Lorsque la guerre de 40 arrive, le hasard les réunit enfin : comment le temps les a-t-il changés ? Que gardent-ils de leur passé ? Quel rapprochement l’épisode furtif des retrouvailles autorise-t-il encore ? « Vous êtes tout ce qui a jamais chanté dans ma vie » murmure Aurélien au moment où il constate que « cela le dérangeait, cela lui détruisait sa Bérénice, cela mesurait la distance qu’il y avait entre la poupée de sa mémoire et cette femme vivante »

Dosette de lecture n°129 : Aragon : « Aurélien ». Lorsque Racine « chante dans la vie » d’un rescapé de la guerre de 14

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Site d’auteur remanié : vers davantage d’échanges avec les lecteurs...

Publié le par Eric Bertrand

Mon site d’auteur existait depuis des années (autour de 1997 !) et devenait un véritable pachyderme, alourdi d’articles, de vidéos, de photos et d’extraits de pièces de théâtre, de conférences, d’émissions télé ou radio… Tous ces documents illustraient à la fois mes pièces de théâtre et mes livres (environ 25 publiés depuis 1993).

Il était temps de lui faire subir un allègement et de braquer les projecteurs sur les derniers événements… Merci à Jennifer pour cette importante remise à jour. L’idée est de clarifier l’ensemble et de fluidifier la visite afin de faciliter les échanges avec une communauté de lecteurs que je vais aussi constituer sur le site auteur de mon compte Facebook. N’hésitez pas à m’adresser vos retours !

Site d’auteur remanié : vers davantage d’échanges avec les lecteurs...

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