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Françoise Hardy : comment lui dire adieu ?

Publié le par Eric Bertrand

C’est une rose en bouton, une silhouette furtive, gracile et gracieuse dont la voix douce qui passe sur les ondes est celle d’une ondine qui se cache sous les roses de « la maison où elle a grandi ». Mais sa rose à elle est unique, c’est « son amie » et elle lui rappelle « des tas de choses » et aussi « qu’on est bien peu de chose » …

Bob Dylan, David Bowie, Mick Jagger, et tous ceux qui « aiment les filles » trouvent aussi que la rose au jardin est « mignonne » et qu’il faut aller la voir… Mais quand les yéyés roulent avec leurs yoyos, à peine « éclose », elle avance précieuse, enveloppée dans « les plis de sa robe pourprée » dessinée à la mode de l’époque par André Courrèges ou Paco Rabanne ; et rien ne dérange, et rien ne fait fausse note quand elle envoie son message tout personnel.

C’est désormais « le temps de l’amour et de l’aventure » et « son cœur de silex vite prend feu ». Cette vie nouvelle, elle ne veut la manquer, « sous aucun prétexte ». « Maintenant, la ville est là, les lumières, les amis, la chance » … Mais un soir, hélas, elle sent que le vent tourne et que « le Temps passe à pas de géant ». Du fond de sa conscience à marée basse, elle écrit : « Les fleurs que j’aimais tant ont disparu, où sont les pierres, où sont les roses ? » Elle avait prévenu dans une autre chanson : « Aucun sable ni la dune n’arrête le sablier quand je prendrai le large. »

Aujourd’hui, l’ondine s’est en allée mais elle nous a « fait une place dans sa bulle » et, sur les ondes, a laissé son sillage et son microsillon, la marque d’un accord de guitare, d’un vent léger : « Blowing in the wind ».

 

Françoise Hardy : comment lui dire adieu ?

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Dosette de lecture n°117 : Thomas Schlesser : « Les Yeux de Mona ». Ouvre toutes les facettes de tes yeux et regarde les choses en face

Publié le par Eric Bertrand

          Comment surmonter le cauchemar de la cécité et de l’aveuglement ?

Comment les œuvres d’art peuvent-elles nous aider à surmonter les traumatismes ? C’est cette interrogation qui permet à l’auteur historien de l’art, Thomas Schlesser, d’entrainer son lecteur dans la découverte patiente et émerveillée d’œuvres situées au Louvre, à Orsay et à Beaubourg.

Celui qui sert de guide à cette aventure particulière est le grand-père de la petite Mona. « L’art d’être grand-père » commence pour lui dans cette démarche qu’il imagine pour aider sa petite fille. Cette dernière a été frappée d’une cécité qui n’a duré qu’une minute mais qui a affolé tout le monde. Afin d’éviter la rechute dans « le trou noir », les parents de Mona demandent à son « papy Dadé » de l’emmener en « consultation ».

Mais à la vérité, le traitement qu’elle va suivre grâce à ses bons soins se manifeste par « l’administration » d’un nouveau tableau que l’apprentie esthète va « ingurgiter » chaque mercredi, guidée par cet expert qui pratique l’art de « soigner » par des injections de beauté… Confrontée à 52 œuvres d’art différentes, en même temps qu’elle s’ouvre au monde et aux multiples expressions de la beauté, Mona (et avec elle le lecteur) réfléchit, à une leçon de vie particulière : « Souris à la vie », « Respecte les petites gens », « Mets le monde à l’arrêt », « Ferme l’œil de ton corps », « Il faut danser sa vie », « Le noir est une couleur » …

En ces temps si troubles, on peut encore espérer avec Mona, Papy Dadé et Dostoïevski que « la beauté sauvera le monde ».

 

Dosette de lecture n°117 : Thomas Schlesser : « Les Yeux de Mona ». Ouvre toutes les facettes de tes yeux et regarde les choses en face

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Dosette de lecture n°116 : Jean-Paul Dubois : L’Amérique m’inquiète. Une Amérique grimaçante

Publié le par Eric Bertrand

A quel point l’Amérique de 1989 ressemble-t-elle à celle qui grimace aujourd’hui sous le visage de Trump ? J’en avais fait percevoir des traits contrastés dans mon roman « Taper la route » qui relate ma cuisante expérience de l’été 1983 en autostop, tout au long des inter states ; l’ouvrage de Jean-Paul Dubois, composé de chroniques grinçantes, offre, lui aussi au lecteur, une vision impitoyable des pires aspects de la culture américaine.

La stratégie est simple : dans chacune de ses chroniques, l’auteur met en scène un lieu, un personnage, un « public » et décrypte les extravagances les plus inquiétantes. Dans telle ville, c’est un shérif qui cherche, par des moyens inhumains et sordides, à dégoûter les délinquants de la prison ; dans telle autre, c’est un honnête citoyen, amateur d’armes et de heavy metal, qui offre une belle récompense au bon sujet qui abattrait toute personne mal intentionnée ;  dans telle autre, c’est un révérend qui offre au bon chrétien un voyage avec Satan dans le but de le détourner de toute « perversité » du type homosexualité, drogue, avortement ; dans telle autre, c’est un homme d’affaires qui imagine un « Holly land » d’un genre particulier : le citoyen en mal de religion peut y effectuer un voyage éclairé et édifiant parmi les pages de l’Ancien Testament ; dans telle autre encore, c’est un médecin qui promet aux malades incurables un départ en douceur vers la mort… 

Et les villes défilent, San Francisco, Los Angeles, Waco, Phoenix, Portland, Sacramento… et le lecteur assiste, dépité, au spectacle de cette société qui persiste et signe et qui perd son âme.

Dosette de lecture n°116 : Jean-Paul Dubois : L’Amérique m’inquiète. Une Amérique grimaçante

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Comment est abordé Rimbaud dans « Over the Rimbaud » ?

Publié le par Eric Bertrand

Il est difficile de rédiger la critique d’un livre sans révéler aux autres lecteurs son contenu tout en livrant malgré tout une idée de son contenu…

C’est ce qu’a réussi à réaliser le Rimbaldien Jean-Michel Lecocq, auteur d’un beau roman dont j’ai fait la chronique récemment : « la Fille aux semelles de vent », Edition des Libertés, 2024, (Dosette n° 112 : http://enlisant-enecrivant.net/2024/05/dosette-de-lecture-n-112-jean-michel-lecocq-la-fille-aux-semelles-de-vent-plusieurs-manieres-de-battre-la-semelle.html)

Je l’en remercie.

 

         « Cela valait la peine d’attendre son arrivée chez le libraire. « Over the Rimbaud », le roman d’Eric Bertrand, a défilé d’une traite devant mes yeux éblouis. Pas question de trop lever le voile sur cette histoire originale, je vous laisse le plaisir de la découvrir. L’idée est hardie d’inventer un amour de jeunesse à Rimbaud, une jeune voisine devenue par la suite, bien qu’elle eût fondé une famille, son amante de cœur. Car, s’il fut précocement brillant en poésie, il le fut aussi au plan sexuel et amoureux, du moins dans ce roman qui repose presque en totalité sur le journal rédigé à la première personne de cette jeune amante, devenue par la suite son amie la plus fidèle et la plus intime.

La narratrice si proche d’Arthur et de ses sœurs puis encore plus proche de la seule Isabelle après le décès de l’aînée, Vitalie, nous livre un regard fascinant sur celui qui a été son amant et qui, malgré son départ des Ardennes et ses pérégrinations à travers le monde jusqu’en Abyssinie, reste son grand amour. Elle le connaît mieux que personne et même de l’intérieur. Avec le concours d’Isabelle qui lui confie jusqu’au cœur de sa correspondance avec son frère, elle livre au lecteur une vision intime de Rimbaud dont elle est toujours amoureuse. Plus que de l’amour, c’est une communauté d’idées qu’elle partage avec lui. Quand il lui écrit directement ou par le truchement d’Isabelle ou encore à l’occasion de ses rares retours dans les Ardennes, Arthur se confie à elle. On découvre Arthur Rimbaud sous un jour original et on a le sentiment d’être en présence du véritable Rimbaud. Cette vision de l’homme aux semelles de vent est d’autant plus vraisemblable qu’Eric Bertrand nous livre, à la fin du livre, des références documentaires qui attestent de la réalité du portrait qu’il brosse dans son roman et de sa fine connaissance de la vie du voyageur toqué. Au fil de cette lecture, j’ai vraiment eu l’impression de me trouver face au vrai Rimbaud.

De surcroît, ce roman bénéficie d’une belle écriture que je n’hésite pas à qualifier, par moments, de poétique, en tout cas d’imagée et d’élégante. Ultime intérêt, le journal de la narratrice apparaît sous la forme de chapitres courts qui rendent la lecture aisée et ajoute à son agrément.

Ce roman est réellement talentueux. N’hésitez pas une seconde. »

 

Comment est abordé Rimbaud dans « Over the Rimbaud » ?

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Dosette de lecture n°115 : François Duplantier : « Et Arthur quitta le train jaune de 5h48. » Un récit mené à un train d'enfer.

Publié le par Eric Bertrand

Par quels moyens accéder à Rimbaud et à ses "incroyables Florides" ? En suivant, enroulé dans « les voiles de la déesse » la voie de la Grande Ourse ? En descendant les fleuves à reculons ? En entrant dans le Cabaret vert ? En foulant les pierres des chemins et des sentiers dans les « parfums de vigne et les parfums de bière » ? En montant à bord d'un wagon rose ou bien à bord d'un train jaune au départ de Marseille ? Le train de 5h48 par exemple ?

Sous la plume de l'auteur, on y retrouve un cercle "d’intoxiqués" de Rimbaud qui se rendent à un événement très spécial et qui, pour passer le temps et combler ce que Yves Bonnefoy appelle « notre besoin de Rimbaud », battent la semelle de vent... Où donc le poète voyant cherche-t-il à les emmener ? Quelle "porte invisible" les invite-t-il à franchir ? C'est la question que se pose implicitement le romancier qui mobilise ses troupes et le lecteur autour de ce fameux événement parisien : l’ouverture d’une lettre que Rimbaud a envoyée du Harar à Verlaine…  

Mais est-ce vraiment là l'essentiel ? N'y a-t-il pas déjà dans ce bateau livre, cette "carcasse ivre de la meilleure eau" matière suffisante à la rêverie ? Le cheminement vaut parfois mieux que le terme. François Duplantier balise ce voyage et cette dérive entre les poèmes et les lettres que le poète devenu aventurier n'a cessé d'écrire. En consultant les uns après les autres les passagers du train, il interroge surtout l’homme qui, après l'avoir fait asseoir sur ses genoux, semble avoir tourné le dos à la Beauté ; le commerçant qui serre son or dans sa ceinture abdominale ; le baroudeur qui parle toutes les langues ; l’explorateur, le photographe, le « reporter » qui examine ce qu’il nomme désormais « la vie réelle » : tribus indigènes, vêtements, bêtes, chameaux, autruches, hyènes...

Par les détours de l’écriture et de l’érudition, le romancier poursuit les traces du « Bohémien », ce « Petit Poucet rêveur" qui, parti un jour pour « trafiquer dans l’inconnu », sème ses cartouches et finit trafiquant d’armes. Dans la première partie de son récit, il dégaine les colts scintillants du poète et tire les balles de sa « prose de diamant » ; dans la seconde partie, il cite les lettres que l'enfant rebelle et fugueur n'a cessé d’écrire à sa mère jusqu'à la fin. Des lettres qui dessinent sur le sable l'empreinte de vent, « le lieu et la formule » indiquant au train jaune quelque chose comme un faux terminus.

Dosette de lecture n°115 : François Duplantier : « Et Arthur quitta le train jaune de 5h48. »  Un récit mené à un train d'enfer.

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