Dosette de lecture n°124 : Barbey d’Aurevilly : « Une Vieille maitresse ». Le chiffon rouge de la passion
Quel pouvoir surnaturel la fille d’un toréador peut-elle exercer sur un libertin qui vient d’épouser la femme qu’il aime, la belle et aristocratique Hermangarde de Polastron ? « La vieille maitresse » qui a passé « un serment de sang » avec son ancien amant s’appelle Vellini. C’est une Malagaise, et son tempérament de feu et son impétuosité rappellent celui de ces « diaboliques » que Barbey a mises en scène dans un autre recueil tout aussi édifiant. Bien que le couple se soit retiré dans son manoir, au cœur de l’hiver, rien ne semble pouvoir arrêter la frénétique Vellini dont le désir est une lame de fond…
Comme dans tous les romans de cet auteur, originaire du Cotentin, le lecteur retrouve l’âpreté et la sauvagerie de cette côte romantique qu’il connaît bien et qu’il se plaît à décrire en y insufflant une violence et une magie souvent empruntées à Shakespeare et aux légendes qui rôdent dans une presqu’île bien éloignée des salons parisiens et de toute civilisation, une presqu’île découpée et austère où soufflent le vent et la passion. Dans un autre roman, « L’Ensorcelée » dont le titre pourrait convenir au héros de cette histoire, il écrivait : « J’ai tâché de faire du Shakespeare dans un fossé du Cotentin ». Nul doute que la romance entre la jeune épouse et le libertin repenti ne prenne, dans ces landes dignes des sorcières de Macbeth, des couleurs tragiques.