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On a tous en nous quelque chose de Natalie Wood : « Propriété interdite » : La Rochelle, Festival du cinéma.

Publié le par Eric Bertrand

Grâce à la FEMA et à son 52° Festival du cinéma, voyage dans l’Amérique de Natalie Wood cette semaine à La Rochelle.

 

La torpeur de Dodson, petite ville du Mississipi, l’ennui, les coups de poing de la misère pour rester debout, et derrière tout cela, le rêve des faux-semblants, des artifices et des éclats de la grande ville, Memphis ou La Nouvelle-Orléans : « Ce désir fou de vivre une autre vie » qui emballe et qui donne l’impression d’une « Propriété interdite » …

 Devant cette Amérique filmée par Sydney Pollack, inspiré par une pièce de Tennessee Williams, on ressent cette profonde mélancolie qui traverse la chanson de Johnny, écrite par Michel Berger, « On a tous quelque chose en nous de Tennessee ».

L’histoire se passe pendant la période de la grande Dépression. La sémillante Alva Starr, starlette incarnée par l’éclatante Natalie Wood, règne au sein de l’auberge au cœur de ce Dodson, « chatte sur un toit brûlant », figure fantastique, frénétique, qui fait rêver les hommes à condition qu’ils aient de l’argent et de l’alcool pour l’enivrer. On boit beaucoup dans les pièces de Tennessee, et le whisky fait tinter le cristal.

Alva est l’idole sulfureuse et la part des anges ; sa mère la soigne et lui applique des linges frais sur le visage, pour protéger la créature de la chaleur. Elle a perdu son père qui la traitait comme une princesse, ce père, « homme faible et merveilleux qui a mis tant de grâce à se retirer du jeu » : avant de les abandonner, elle et sa famille, il lui a offert un wagon peint comme un ciel étoilé, mais un wagon en bout de ligne, sorte de vestige d’un temps révolu, rappel cynique de l’immobilisme ambiant. Car rien ne bouge à Dodson, pas même le temps, comme le montre bien ce moment du film où Willy, la petite sœur d’Alva, avance le long de la ligne de chemin de fer, dans la robe longue déchirée que lui a laissée sa grande sœur ; garçon manqué au visage ingrat, elle est une baby doll abimée qui traîne sa poupée et sa misère et qui joue, pour le garnement qui l’écoute, un peu le rôle du chœur dans la tragédie.

L’heure bascule lorsqu’Owen Legate, agent des chemins de fer, arrive dans la ville, avec la pénible mission de licencier bon nombre de cheminots qui travaillent à Dodson. Owen, c’est Robert Redford, l’homme qui sait parler aux oreilles des femmes, surtout de celles qui rêvent de partir loin, et de chevaucher, sans jamais plus se retourner, vers le grand amour. Il n’est pas comme les autres, il vient d’ailleurs, il tient des propos neufs, il parle de liberté de la femme et d’émancipation, il incarne une autre destinée et tient la boule de cristal.

Mieux qu’un « Tramway nommé Désir », le train peut enfin quitter la gare, rouler des wagons neufs et laisser défiler à travers les vitres et le jazz de la locomotive, les tableaux impressionnistes des grands espaces, des plaines, des collines, et du Mississipi jusqu’à New-Orleans, ville de musique, de danse et de détresse, de « si peu d’amour avec tellement d’ennui » et du « cœur en fièvre et du corps démoli ».

L’une des dernières images du film, c’est le wagon immobile, le wagon fantôme sur lequel une main mal inspirée a tagué : « Alva is a hore ».

On a tous en nous quelque chose de Natalie Wood : « Propriété interdite » : La Rochelle, Festival du cinéma.

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Dosette de lecture n°120 : Franck Pavloff : « Matin brun ». Le beau pelage des chats et des chiens à la clarté du matin

Publié le par Eric Bertrand

Je propose aujourd’hui, avant la pause estivale, une dernière « dosette ».

J’ai abordé également depuis environ deux mois la phase d’accélération de l’écriture de mon prochain roman consacré au livre et comme c’est à chaque fois le cas, lorsque je tiens mon sujet et mon canevas, j’ai du mal à faire autre chose qu’écrire et ceci notamment au détriment de la lecture.

         Mais pour le livre que j’ai choisi d’aborder aujourd’hui, il ne compte qu’une vingtaine de pages, et ce sont des pages essentielles en ces temps si particuliers.

         Quel est le meilleur éclairage pour définir la couleur du pelage d’un chat ou d’un chien, la coloration d’un article de journal, ou encore la tonalité d’une radio ? Le brun fournit-il la nuance la plus juste pour apprécier la fantaisie fantasque du félidé ou la bouleversante fidélité du bon toutou ? Sous le projecteur dont la chaleur noircit le papier, le texte de l’article ne finit-il pas par s’enfumer et ne plus refléter que des idées toxiques ? Et le son – riche en fibres - qui tombe des ondes prend-il donc la couleur de ce pain aux vertus laxatives ? 

Ce sont quelques-unes des questions que pose en d’autres termes l’auteur de cette petite fable. Le narrateur et son ami Charlie qui ont possédé, avant les décrets, un chat blanc taché de noir (bref un chat métis) et un labrador noir sont dans le viseur de la milice de « l’État national » et des délateurs de tout poil.

Entrainés dans une logique absurde, les citoyens de cette ville de lune rousse qui avalent la couleuvre de réglisse indigeste n’ont qu’à bien se tenir et obéir aux injonctions : marcher au pas, décolorer tout ce qui risque de déteindre, éteindre la braise du langage, dénoncer les différences et les montrer du doigt avant de se laisser contaminer par cette « rhinocérite » si bien décrite par Ionesco, par Camus qui écrit à la fin de son roman, « La Peste » : « le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais » ou par Brecht qui note dans sa pièce « La Résistible ascension d’Arturio Ui » : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde. »

 

    

Dosette de lecture n°120 : Franck Pavloff : « Matin brun ». Le beau pelage des chats et des chiens à la clarté du matin

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Dosette de lecture n°119 : Racine : Andromaque et Bérénice. Tristesse majestueuse ou vertiges de l’amour

Publié le par Eric Bertrand

        Que ressent-on quand on est amoureux ? Question essentielle que se sont toujours posé les artistes, et notamment les écrivains. L’amour chez Racine est un lien qui, certes, lie, veine à veine, les amants, mais qui les ligote aussi. Chez ce dramaturge impitoyable, les amants ne se sont rencontrés ni dans une discothèque, ni dans un bistrot, ni sur la plage et « le mal vient de plus loin ».

On est dans le monde oppressant de la tragédie et même le sentiment si beau, si pur, si fort qui pourrait sublimer et transcender les héros comme c’est le cas dans les pièces de Corneille, cette passion qui l’étreint finit par les étouffer, les anéantir et leur faire percevoir à l’avance l’issue fatale.

Dans Andromaque, Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque qui aime un mort… Et dans Bérénice, Titus et Bérénice s’aiment, mais Titus, Empereur de Rome, s’il veut être à la hauteur de sa fonction, n’a pas le droit d’épouser une princesse égyptienne et entend bien appliquer la règle, même si elle va l’écraser.

Il règne donc dans la tragédie, ce que Racine lui-même appelle « une tristesse majestueuse », de quoi « crever l’oreiller et rêver trop fort, quitte à niquer les circuits. »

Dosette de lecture n°119 : Racine : Andromaque et Bérénice. Tristesse majestueuse ou vertiges de l’amour

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Dosette de lecture n°118 : Émile Zola : Comment on se marie, comment on meurt ? Une peinture sans concession de l’homme.

Publié le par Eric Bertrand

Se marier, mourir ? Comment traverse-t-on ces épreuves quand on est ouvrier, paysan, commerçant, bourgeois ou aristocrate ?  Pour y répondre, l’écrivain naturaliste Zola, spécialiste de l’étude des milieux et des déterminismes, offre un échantillon de huit nouvelles.

La méthode qu’il suit est simple et efficace : à travers ces huit récits, il met en scène des personnages bien différents du fait de leur origine sociale. Mais, quel que soit le milieu abordé, riche ou pauvre, démuni ou opulent, le lecteur retient une image bien piteuse de l’homme, incapable d’aimer autre chose que lui-même ou que ses propres intérêts.

On était au XIX° siècle, mais en plein XXI° siècle, les choses ne semblent pas avoir beaucoup changé.

 

Dosette de lecture n°118 : Émile Zola : Comment on se marie, comment on meurt ? Une peinture sans concession de l’homme.

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« Loin, bien loin » : Rimbaud au bac de français

Publié le par Eric Bertrand

« Rimbaud et le départ vers le lointain » … C’est, en d’autres termes, l’un des sujets de dissertation proposé cette année au bac de français aux élèves de premières et c’est aussi l’un des moteurs qui a guidé mon roman « Over the Rimbaud ».

« Loin, bien loin » : Rimbaud au bac de français

 

« Rimbaud et le départ vers le lointain » … C’est, en d’autres termes, l’un des sujets de dissertation proposé cette année au bac de français aux élèves de premières et c’est aussi l’un des moteurs qui a guidé mon roman « Over the Rimbaud » (https://www.helloeditions.fr/product/over-the-rimbaud/).

Il décrit un Rimbaud qui s’en va loin, sous les yeux effarés de la jeune fille qui l’a aimé et qui commence, à travers ce voyage, à devenir une femme autre. Celui qu’elle ne cesse d’aimer s’en va tellement loin de tous les repères petits bourgeois qu’on a cherché à lui imposer à Charleville…

Loin, bien loin des rangs de l’école et des ragots des rues, loin de toutes les « casquettes de plomb », des « mesquines pelouses », de ces « tout petits chiffons à petites bottines », loin de ces « fleuves impassibles » et de ces « cotons anglais » qui enflent « les bedaines flamandes », de ces « habits puant la foire et tout vieillots » qu’on enfile pour honorer « le Livre du Devoir » que brandit « la Mère », l’effrayante « Bouche d’ombre ».

Loin de ces poètes de quatre sous que René Char, dans son poème « tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud » désignera comme des « pisse-lyres » ; loin de ces « mains à plume » et de ces « mains à charrue » et de cette langue de boue et de cendres ; loin de ces brumes et pluies des Ardennes…

« Que les villes s’allument ! » pour le compagnon de la « Grande Ourse ». Quelque part où couve le feu de la langue, sous ce « grand désert où luit la Liberté ravie », là où le soleil « lui tannera la peau » et fera sauter les « anciens parapets », là où l’enfant, « le front plein d’éminences », la semelle alerte et le « pied près de son cœur », décollera à la découverte de cet autre « je », de ces tapis de fleurs qui « lui disent leur nom » (Addis Abeba en langue amharique, ça veut dire « fleur nouvelle »), et de « ces splendides villes » illuminées sous la lampe de ce « génie » qui le mène jusqu’au bout de lui-même et jusqu’à l’extinction des feux.

Il décrit un Rimbaud qui s’en va loin, sous les yeux effarés de la jeune fille qui l’a aimé et qui commence, à travers ce voyage, à devenir une femme autre. Celui qu’elle ne cesse d’aimer s’en va tellement loin de tous les repères petits bourgeois qu’on a cherché à lui imposer à Charleville…

Loin, bien loin des rangs de l’école et des ragots des rues, loin de toutes les « casquettes de plomb », des « mesquines pelouses », de ces « tout petits chiffons à petites bottines », loin de ces « fleuves impassibles » et de ces « cotons anglais » qui enflent « les bedaines flamandes », de ces « habits puant la foire et tout vieillots » qu’on enfile pour honorer « le Livre du Devoir » que brandit « la Mère », l’effrayante « Bouche d’ombre ».

Loin de ces poètes de quatre sous que René Char, dans son poème « tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud » désignera comme des « pisse-lyres » ; loin de ces « mains à plume » et de ces « mains à charrue » et de cette langue de boue et de cendres ; loin de ces brumes et pluies des Ardennes…

« Que les villes s’allument ! » pour le compagnon de la « Grande Ourse ». Quelque part où couve le feu de la langue, sous ce « grand désert où luit la Liberté ravie », là où le soleil « lui tannera la peau » et fera sauter les « anciens parapets », là où l’enfant, « le front plein d’éminences », la semelle alerte et le « pied près de son cœur », décollera à la découverte de cet autre « je », de ces tapis de fleurs qui « lui disent leur nom » (Addis Abeba en langue amharique, ça veut dire « fleur nouvelle »), et de « ces splendides villes » illuminées sous la lampe de ce « génie » qui le mène jusqu’au bout de lui-même et jusqu’à l’extinction des feux.

 

« Loin, bien loin » : Rimbaud au bac de français

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