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Le dernier lutin des Highlands

Publié le par Eric Bertrand

              D’abord une info pratique : Jenny vient de rénover le site, notamment dans la perspective de l’ouvrir à nos amis écossais qui ne parlent pas tous le français. Il devait être en ligne à l’occasion de la prochaine présentation du Ceilidh que je vais faire dans le Caithness : rappel de l’adresse : http://www.atelier-expression-artistique.com
.
 
              La question des lutins ne m’était jamais venue à l'esprit au cours des premiers mois de mon séjour en Écosse. Je reléguais tout bonnement ces créatures aux contes de fées que j'avais lus comme tout un chacun dans les livres merveilleux qu'on ouvre pendant l’enfance. Puis un jour, c'était à l’Ouest, du côté de Fort William, je rendais visite à mes amis assistants que l'assistant d'Allemand, Sandro, avait tous invités dans sa grande maison.
              La maison était en fait la propriété d'une vieille dame, Mary, jadis amie de sa mère. Elle était située au milieu des collines dans un petit hameau du nom de Spean Bridge. La  dame était très amicale avec nous et aimait à causer pendant que nous faisions la cuisine tous ensemble. Elle nous parlait de façon dégagée de sa vie et de « son fantôme », celui de son mari qui revenait régulièrement lui rendre visite, à côté de la grande horloge qui tapait le temps dans le salon. Nous la plaisantions gentiment.
              Le samedi après-midi, comme le temps se dégageait, et à l’invitation de Mary qui voulait se reposer, toute la bande décida d’aller faire une randonnée dans la montagne en face (il n’était jamais facile de sortir Sandro et ceux qui l’ont connu se souviennent encore de la phénoménale force d’inertie de ce garçon qui brassait pourtant tant de projets !).
              C'est au cours de cette randonnée que je me suis égaré et que j'ai vécu une étrange sensation… Arrivé tout en haut du Ben qui domine le pays, à cause d'un épais brouillard, j'ai perdu le reste de la compagnie (C’était l’idée de Sandro d’aller poser une pierre sur le cairn qui marque le sommet, mais il n’y est pas arrivé ce jour là ! Je me suis donc égaré, j'ai un peu paniqué n'ayant sûrement aucun repère (pas de portable à cette époque !) Les randonneurs connaissent ce stade critique de la randonnée, quand la nuit commence à tomber, et qu'on n'a plus aucun moyen de décider par où il faut aller… À ce moment précis, j’ai ressenti un souffle, presque une présence… La suite ?... Qu’est-ce que c’était ? Comment suis-je rentré ? Qu’en ont dit les autres ?...
               C'est exactement ce que je raconte en détails dans l'une des Nouvelles pour l'été, « comment je suis devenu marcheur ».
 
« Mais le plus étonnant dans cette première expérience de la marche à pied, c’est la conclusion que notre hôtesse apporta ce soir là, au moment de la veillée. « Tu sais où je t’ai envoyé te promener aujourd’hui… Je n’ai rien voulu te dire pour ne pas t’alerter, mais tu es allé dans le secteur où les gens d’ici disent avoir aperçu l’un des derniers lutins des Highlands. Il t’attendait, vois-tu, et il se pourrait bien qu’il ait voulu te jouer un tour en te voyant arriver là haut ! »  
 
Joking in the Highlands !

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Le vaisseau fantôme

Publié le par Eric Bertrand

C’est un jour de juin. Mon frère est venu me rejoindre dans les Highlands avec la ferme intention de découvrir LE PAYS. Je suis à Aberdeen, j’achève mes derniers cours à la fac, dis adieu à mes étudiants, et puis nous partons en direction d’un lieu hors du monde, Rhenigidale, ancien village situé sur la côte Ouest, déserté au siècle dernier par les exploitants chassés de leurs terres (épisode tragique plus connu sous le nom des « Highland Clearances »)
              Lieu difficilement accessible, le train, puis le car, puis la voiture de la poste (qui, à l’occasion, offre « un lift » au voyageur), puis la longue marche sur une petite route sinueuse, puis dans la lande… Une seule « boussole », la ligne du télégraphe, jusqu’à la mer où nous devons passer la nuit. Car il n’y a plus même un sentier jusqu’à Rhenigidale. Les rares habitants sont livrés par bateau.
              Lieu particulier, temps suspendu au-dessus de ces « croft houses » autour desquelles paissent encore quelques moutons et béliers dont les cormes, comme celles de licornes grotesques, brillent sous le soleil allongé du ciel du nord…
              Nous dormirons dans une croft house arrangée pour l’occasion en « auberge de jeunesse ». Aussi incroyable que cela puisse paraître, il y a une auberge de jeunesse dans cette solitude ! Les Ecossais vous dégotent de ces auberges de jeunesse comme je n’en ai jamais vues ailleurs ! Il faudra par exemple que j’évoque dans ce blog celle de Unst, tout au bout de l’archipel des Shetland…
              Mais ce qui retient notre attention à Mac et à moi (Mac, c’est le surnom amical que nous utilisons mon frère et moi), ce qui retient notre souffle, c’est surtout, à la fin de la soirée, du côté de la mer, cette vapeur qui monte des flots et cette soudaine impression d’une superposition des couches temporelles. Le temps passé pourrait bien venir écorner la page du présent et laisser glisser, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, dans cette marge de lumière, la silhouette du drakkar fantôme dont nous a parlé le facteur au volant de la voiture de la poste… C’est en effet sur cette baie qu’il y a environ 1200 ans, les vikings ont pointé leurs vaisseaux…
 

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Mac in the moorland

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A la recherche de frissons

Publié le par Eric Bertrand

L’un de mes objectifs déclarés lorsque je suis parti pour l’Ecosse, c’était d’échapper à la faune étudiante, aux livres, aux austères diplômes et de mener une enquête sur le terrain. J’avais (et j’ai toujours, le Ceilidh le montre bien !) une vision romantique de l’Ecosse. Non pas romantique au sens édulcoré mais au sens fort : une Ecosse passionnée, tragique et mystérieuse, pénétrée de la présence des formes du surnaturel…
              Châteaux hantés, créatures étranges (monstres des lacs, vaisseaux fantômes, green ladies, fées, lutins, fantômes…) pour chacun de ces motifs, je peux dire que j’ai « mené l’enquête » en garantissant à tous ceux qui me suivaient de loin que je garderais mon sang froid et ma lucidité… Et j’ai tenu cet engagement. .
              Ainsi, je propose, dans les jours qui viennent, de dévoiler, non pas des révélations, mais de raconter des anecdotes. Je peux affirmer en tout cas, au risque de décevoir tout amateur de « scoop », que je n’ai vu ni fantôme, ni fée, ni lutin, ni monstre des lacs, ni green lady… et que pourtant, je reste profondément troublé par ce que j’ai ressenti au fil de mes aventures sur un espace qui s’étend, au sud, à Dunbar, petite ville à proximité d’Edinburgh, au nord, dans l’archipel des Shetlands, sur un îlot désolé appelé Unst…

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Legendary Scotland (collection personnelle)
 

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Le haggis

Publié le par Eric Bertrand

Cette panse de brebis farcie est suspendue chez le boucher telle un trophée ou un ballon de rugby qui se serait figé dans son élan. C’est d’une couleur peu engageante, une sorte de marron délavé, avec des points de blancheur. Rien à voir avec un beau saucisson ou un esthétique pâté en croûte, crânant dans la vitrine. Le haggis est un paria. Un malheureux ballon ovale qui a été botté en touche, et qui pend lamentablement dans un coin de comptoir, sur fond blanc. Et le boucher qui a shooté, coiffé de son petit chapeau (en Grande Bretagne, le boucher porte chapeau) l’ignore royalement. Il faut avoir « marqué l’essai » pour avoir envie de s’engager sur ce terrain.
              Et pourtant, le haggis est reconnu comme le plat traditionnel à ce point que, chaque année, il a sa place dans un rituel : « la Burns supper ». C’est en janvier. Tout commence comme un ceilidh, kilts, musique, danse, boissons puis soudain, un joueur de cornemuse s’avance dans la salle. Il accompagne un complice qui porte comme un saint graal un plat dans lequel trône un haggis. L’air de « Bonny Dundee », de « Scots whae », ou de « Loch Lomond » se suspend…
              Le plat est posé sur une table, au centre de la salle. Celui qui portait le plat sort le couteau de sa chaussette, le « skean dhu » et il prononce, d’une voix vibrante, la prière au haggis, après l’avoir éventré. La viande sort de la gaine. Elle se débine et le texte de Robert Burns, le poète national écossais, s’impose aux oreilles de tous : « adress to a haggis », en voici les premiers vers :
 
“ Fair fa your honest, sonsie face,
Gr
eat chieftain o' the pudding-race!
Aboon them a' yet tak your place,
Painch, tripe, or thairm”
              L’accent est fort, les “R” sont roulés, les diphtongues soigneusement rendues. La fronde écossaise retrouve toute sa vigueur tandis que les convives reprennent en chœur les vers de Robert Burns avant d’éventrer d’autres panses et d’aller danser des jigs endiablées… Ne dit-on pas, depuis Rabelais, « car de la panse vient la danse » ? 

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Adress to a haggis

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sucreries dans "le ceilidh"

Publié le par Eric Bertrand

Retour sur la “gastronomie” ! Après le fish, en guise de dessert dans le sac à dos, voici deux sucreries dont les noms figurent dans le Ceilidh, du moins dans la version narrative.
« Sa compagne Rebecca sur les genoux, Ronald Mac Donald n’a pas ouvert la bouche de la soirée. Les beaux yeux d’Heather, l’éclat de la chevelure rousse, le léger accent réveillé par l’émotion de la mémoire, la lueur du feu dans l’âtre, un disque d’Enya choisi par ses soins et la confuse impression d’écouter une espèce de petite fée celte, égarée dans son salon.
         Il a bu beaucoup de thé, sucé deux barres de fudge au caramel, puis il a décrété qu’il voulait se rendre immédiatement sur les lieux afin de s’en inspirer pour l’écriture de sa prochaine pièce. »
 
         « Loin des projecteurs, malmené par les vents dans la lande écossaise, Ronald Mac Donald est un autre homme.
         Il a du mal à suivre le rythme. Il s’essouffle. Il s’arrête. Il râle. Il cherche à sauver la face. Comme il est gourmand, il a toujours sur lui son paquet de shortbread ou de fudge au caramel. Dans son emballage plat, le shortbread est facile à transporter. C’est un gâteau de poche. Quand Heather lui parle et lui explique des choses, il feint de ne pas écouter et passe la langue sur ses dents. Il ne s’essuie jamais le coin des lèvres. Mais le premier soir, quand ils sont allés au pub, il est revenu sur une multitude de détails. Heather en a immédiatement déduit cette vérité : quand Ronald Mac Donald grignote, quand il mâchouille, quand il ne s’essuie pas le coin des lèvres, il pense. »
 
              Dans la version narrative, j’ai voulu donner au lecteur « quelques petits faits réels. » La leçon vient de Stendhal et tous les auteurs de polars le savent bien. Il faut qu’un personnage existe physiquement, d’où cette référence aux « manies » de Ronald… Demain, je consacre un article au fameux « haggis ».   

 


Would you fancy some cake HPIM0894.JPG?

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