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Inspiratrices de Gainsbourg : du « Scenic railway » au « Boing 707, avion cargo de nuit ».

Publié le par Eric Bertrand

Il n’a longtemps vu « briller que les correspondances ».

Comme Baudelaire, il n’aimait que la Beauté qui met « l’eau à la bouche ». Que ces créatures étranges « à la chevelure profonde, aux âcres parfums », « à la couleur café », chargées de parfums exotiques et de bijoux. « Jolis bracelets à tes pieds ils se balancent »… Femmes rêvées, « haras et duchesses », visions qui ne laissaient que « le cœur meurtri » et « l’épouvantail » criblé d’au moins « douze belles dans la peau ».

Et puis il y eut Initials BB et ce fut une trépidation.

Du jour au lendemain, il s’est trouvé beau. Beau de cette « beauté cachée des laids… » Et la nouvelle muse qui chevauchait les Harley Davidson lui fit monter dans les reins d’autres vibrations. Elle aussi « agitait ses grelots » et portait de « l’essence de Guerlain dans les cheveux ». Mais elle était bottée « jusques en-haut des cuisses » et elle mettait le corps « à feu et à sang ». Avec elle, « impossible de se ranger ». Il devenait la machine qui va « à plus de cent » et le « navire qui s’éveille au vent du matin ». Il était « la vague », elle, « l’île nue » et déjà le relent du « parfum exotique »… « La nostalgie camarade… »

Puis les « mitraillettes » du désir « repartent à l’attaque et c’est « le heurt violent » qui le tire de sa rêverie. « Love fifteen ». Cette « tête d’enfant » qui ressemble tant à la Lolita de Nabokov combine des airs de pin-up et d’Alice au pays des malices. « L’aimable petite conne » aux pantalons blancs et aux cheveux rouges, aime le cap’tain Cook, Tarzan et les comic strip. Dans la Ford Mustang, elle fouille dans la boite à gant.  Elle raffole des « sucettes à l’anis ». Des « paquets d’Cool » aussi, des barres de chocolat », du Coca-cola qu’elle se « cocacolle », du Fluid make-up et des brownings.

Et brusquement, « cette narcisse » ne le supporte plus. Le traite de « fauché, de plouc, d’abominable bouc… ». « Ah, tu peux pas savoir mec… » Alors il renvoie « la mineure détournée de l’attraction des astres » au 707, avion cargo de nuit. « Sorry angel ! » Et quant à lui, il rejoint « les sorciers qui invoquent les jets dans la jungle de Nouvelle-Guinée ». Et cette jungle-là, c’est la Poésie ou peut-être tout à la fois « la jungle des cheveux de Melody, de Marilou et d’Élisa ».   

 

Inspiratrices de Gainsbourg : du « Scenic railway » au « Boing 707, avion cargo de nuit ».

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Les « Stacks » à Duncansbay Head

Publié le par Eric Bertrand

Les « Stacks » à Duncansbay Head

On fait un grand bond au-delà des falaises de Holborn Head, un pas de géant au-dessus de la grande baie de Thurso, chère aux surfers et on prend la direction du  fameux John O’ Groat’s qui passe aux yeux des touristes pressés pour « l’extrémité nord des îles britanniques ». Le bout du bout ! En saison, les cars bondés s’arrêtent tous là, au pied de « la dernière maison ». Les visiteurs empressés, bardés de technologie, multiplient les selfies, courent dans tous les sens, embrassent le panneau « The last house », s’extasient : « I’ve been there ! »

                Certains filent prendre le ferry, quittent le « Pentland Firth », mettent le cap vers un archipel situé au-delà du « land’s end ». Un archipel au nord de John O’ Groat’s et pourtant britannique... Il y a même des maisons, des hameaux, des villages et des villes au milieu de ces terres qu’ils croyaient réservées à la marée haute, aux mégalithes et aux ruines de vieux châteaux.

                Si on préfère « le coup de vent » à l’agitation du quai ou aux quelques magasins de cartes postales et de pulls shetland, on suit la côte et on monte par le sentier ou par la route jusqu’au parking des « Stacks of Duncansbay » : ces immenses rochers entartrés de guano, qui apparaissent à l’horizon de la mer et de la côte rocheuse, sont souvent comparés à des incisives de géants ou à des chicots. Tout est affaire de point de vue !

                Sous le cabinet dentaire du ciel blanc ou gris, ils subissent en tout cas le coup de roulette des tempêtes et le plombage de la pluie, de la grêle, de la bruine. Mais quand, sous l’éclat des néons, la blouse des nuages se déchire, l’effet d’anesthésie se dissipe et tout le palais encore endolori se réveille.

                On ouvre grand la bouche, presque béat. On a le nez qui coule, de l’écume ou des embruns sur les lèvres. Les jambes tremblent et les cuisses frissonnent. Et on se précipite en se tenant la mâchoire. Au-dessus des rochers sans cesse aiguisés et qui sentent le clou de girofle, on s’élance. Dans l’herbe mouillée, par le sentier, on écarte le bras. On dégringole en ricanant avec les goélands. Et on pousse des cris et on grince des dents tellement c’est bon de se sentir libre…    

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Le diable habille les anges à Holborn Head…

Publié le par Eric Bertrand

Le diable habille les anges à Holborn Head…

Deux petites villes, distantes d’environ trente kilomètres l’une de l’autre, composent les pôles du Caithness : Wick qui provient du norvégien « vik » signifiant « baie » et Thurso, la ville du dieu nordique « Thor ».

Quand on quitte la ville, au niveau du petit port de Scrabster, au lieu de s’embarquer à bord du Sinclair, en direction des îles Orcades juste, on s’engage sur un petit sentier côtier escarpé qui mène aux grandes falaises rivales du « Old Man of Hoy ».

Cet endroit est d’une beauté romantique et, dès la fin de l’été, de tous les coins hurle le vent. Il souffle dans le manteau de laine des rares moutons, dans les plumes ébouriffées des oiseaux de mer qui passent en claquant du bec, ou dans les hardes des fantômes. L’une des sœurs Brontë, Emily, Charlotte ou Anne, pourrait hanter les lieux.

Suivez-la, elle vous mènera au gouffre du Diable, « Devil's bridge ». C’est aussi le but de la promenade.

Les jours de printemps, elle offre au promeneur un sentier d’une infinie délicatesse. Mouettes, macareux moines et guillemots  nichent dans les creux de falaise et les duvets qui volent sous les becs des cormorans et des goélands ressemblent aux petites fleurs qui parviennent à pousser dans le désordre de l’herbe grasse.

Et de petits fantômes de plume passent au ras du sol et s’envolent vers la grande mer.

 

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Avec Julien Clerc, la plénitude du « Terrien »

Publié le par Eric Bertrand

« Comment vas-tu ? »

Dans ce nouvel album, avec cet « amour des gens » qui a toujours animé celui qui voulait être « utile », Julien semble s’adresser à nous autres, ses fans… Mais il s’adresse aussi à tous les hommes, et surtout à tous ceux qui ont besoin de réconfort, à « ceux qui se noient », à ceux « qui coulent » ou qui ont « nagé quand le récit s’obscurcit ». À ces « femmes vacillantes », surtout à ces « jeunes filles en feu, brûlées adolescentes », à ces filles de véranda qu’il a toujours aimées, « femmes je vous aime »…  

Par l’image, « Terrien » transporte le connaisseur vers le passé et plus précisément l’album n°7 qui affirmait à sa façon que « souffrir n’était pas souffrir ». Par les textes et par leurs mélodies, « this melody », il offre un « refuge », un terrier, une « petite terre ». Et son « souffle d’air » « transforme l’âme en ruisseau » et le « cœur en bateau »… Il suffit du premier mot, « Emmène-moi », et « dans ma tête et dans mes reins », « je voyage »…

Voyage de plein été en « Terre de France » ou vers cette « soufrière », son « paradis sur mer ». Voyage d’automne tâchant d’effacer ces « cœurs à la craie » dessinés d’une main torturée, dans une cour de récré. Mais il y a derrière ce cœur, les « sanglots longs des violons de l’automne », le son de la voix d’une maitresse d’école dont la « note de cristal grimpe encore, légère et fragile » et capte les échos de La Fontaine, de Victor Hugo et de Paul Verlaine. Une « Mademoiselle » qui « embellit la vie » et qui dit au chanteur et à son auditeur : « tu ne seras pas venu pour rien », « la vraie vie est ailleurs »…

Grâce à elle, il comprend que l’essentiel est invisible pour les yeux et qu’il faut regarder, en même temps que « les montagnes, les neiges éternelles » « la rose et le bourdon », et la rose et le réséda. « Demain, dès l’aube », derrière « les petites sorcières malades », « la brume à l’horizon », « les forêts sombres où nous nous perdons », c’est la promesse « des cerisiers en fleurs », « des sirènes » et du plein soleil d’été. « Let the sunshine » !

 Avec Julien Clerc, la plénitude du « Terrien »

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Serge Gainsbourg... "En Abyssinie pour prendre la relève..."

Publié le par Eric Bertrand

Serge Gainsbourg... "En Abyssinie pour prendre la relève..."

Maintenant qu’il a livré son œuvre inachevée, comme celle de Rimbaud qu’il admirait tant, nous sommes condamnés à traquer les mots, les idées, les lettres et « l’orthographe » de Serge. « Laissez parler les p’tits papiers », « overseas telegraph »…

Dans l’une des dernières interviews accordée à Philippe Manœuvre, il évoquait précisément la silhouette de Rimbaud et un projet futur d’aller « en Abyssinie pour prendre la relève »…

Quel sphinx !

La relève de quoi ?

De l’aventure poétique interrompue ?

Du commerce et de ses associés ? Armes : « viva Villa » ? Gitanes : « Dieu fumeur de Gitanes » ? Café et jolis bracelets : « c’est quand même fou l’effet, l’effet que ça fait » ?

Ou du camarade génial que la maladie a amputé de ses semelles de vent ?

Depuis ce « gloomy Sunday », Gainsbourg n’en finit jamais de brûler « ses petits papiers », d’être un peu, comme le disent ces lignes du poème « Déluge », « la sorcière qui allume sa braise dans le pot de fer » et qui « ne voudra jamais raconter ce qu’elle sait et que nous ignorons »… 

Tout le mystère Rimbaud est là, et tout le génie Gainsbourg aussi. « O, fécondité de l’esprit et immensité de l’univers ! »

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